Les marchés pétroliers ont connu un nouveau repli jeudi matin, en réaction au retrait partiel de personnel diplomatique américain du Moyen-Orient, sur fond de tensions croissantes avec l’Iran. Cette décision de Washington intervient quelques jours avant l’ouverture de négociations cruciales sur le programme nucléaire iranien, alimentant un climat d’incertitude qui pèse sur les cours du brut.
Ce matin, le Brent reculait à 68,91 dollars le baril et le WTI américain à 67,44 dollars, effaçant ainsi une partie des gains réalisés la veille, où les deux références avaient grimpé de plus de 4 %, atteignant leurs plus hauts niveaux depuis début avril.
Pourtant, plusieurs indicateurs suggéraient un renforcement durable : baisse des stocks américains de pétrole brut, amélioration des perspectives économiques mondiales avec la détente commerciale sino-américaine, et maintien des prix au-dessus des seuils techniques clés.
Mais l’annonce du transfert de personnel diplomatique, notamment en Irak — deuxième producteur de l’OPEP après l’Arabie saoudite — a brutalement modifié la perception du risque.
Le président Donald Trump a qualifié le Moyen-Orient de « région dangereuse », justifiant ainsi le retrait préventif. Cette posture survient alors que l’Iran multiplie les signaux d’hostilité face à une possible impasse diplomatique.
Le ministre iranien de la Défense, Aziz Nasirzadeh, a averti que toute action militaire américaine déclencherait des représailles contre les bases US dans la région. De son côté, l’envoyé spécial américain Steve Witkoff doit rencontrer son homologue iranien Abbas Araghchi à Oman ce dimanche pour tenter de désamorcer la crise.
Pour Vivek Dhar, expert en matières premières à la Commonwealth Bank of Australia, la flambée du Brent au-dessus de 70 dollars était « exagérée », faute de menace militaire imminente. Il anticipe une stabilisation autour de 65 dollars tant que les négociations n’ont pas abouti.
Même constat pour Kelvin Wong (OANDA), qui attribue le recul à une prise de bénéfices technique après avoir touché une résistance graphique. D’autres parient sur un apaisement dimanche, qui permettrait une détente des prix.
Si les tensions persistantes entre l’Iran et les puissances occidentales alimentent une prime de risque géopolitique, d’autres facteurs influencent également l’évolution des prix.
D’abord, la réduction des stocks américains. Selon l’Agence d’information sur l’énergie (EIA), les réserves de brut aux États-Unis ont chuté de 3,6 millions de barils la semaine dernière, un recul supérieur aux prévisions, qui témoigne d’une demande plus soutenue ou d’un ralentissement de la production intérieure.
Ensuite, la relance économique mondiale. Le climat s’est légèrement détendu entre Washington et Pékin, ravivant les espoirs d’un rebond de la demande énergétique, notamment dans les secteurs industriels et du transport.
Parallèlement, le facteur monétaire entre en jeu. L’inflation américaine, légèrement inférieure aux attentes, alimente les spéculations sur une baisse prochaine des taux d’intérêt par la Réserve fédérale. Une telle décision pourrait stimuler la croissance, et avec elle, la consommation d’énergie.
Toutefois, du côté de l’offre, l’OPEP+ introduit une dose d’incertitude. L’organisation prévoit une augmentation de sa production de 411 000 barils par jour dès juillet. Cette décision suscite des interrogations : le marché mondial est-il en mesure d’absorber ce surplus, surtout en cas de ralentissement de la demande en Chine ?
Dans ce contexte contrasté, le marché pétrolier reste suspendu à plusieurs inconnues. À court terme, les tensions régionales – notamment au Moyen-Orient – devraient continuer à soutenir les prix. Mais à plus long terme, une offre excédentaire couplée à une demande mondiale incertaine pourrait inverser la tendance.
Certains analystes, comme Hamad Hussein de Capital Economics, n’excluent pas un retour du Brent à 60 dollars le baril d’ici décembre, si aucune nouvelle crise ne vient perturber les équilibres actuels.