Le 14 septembre 2025, une délégation tchadienne conduite par Tahir Saleh, directeur général adjoint des douanes, et Ibrahim Youssef, PDG de Sahara Air Lines, a été reçue par Belkacem Soltani, PDG de la Société nationale de recherche et d’exploitation minière (SONAREM), au siège de l’entreprise à Alger, afin de discuter d’une coopération minière ambitieuse. Cette rencontre a permis de définir les contours d’une feuille de route centrée sur l’échange d’expertises, le transfert de savoir-faire et le développement de projets communs dans le secteur minier, tout en identifiant les défis techniques et logistiques à surmonter.
La SONAREM, qui gère plus de 80 mines couvrant l’or, le phosphate, le zinc, le plomb, le fer et le marbre, ainsi que des activités dans l’industrie du ciment, a présenté son expérience comme base pour structurer les projets conjoints. Elle propose de partager cette expertise avec le Tchad à travers plusieurs volets complémentaires : d’une part, le transfert d’expertise confié à la branche ORGM (Société nationale de recherche géologique et minière) pour moderniser les cartes géologiques tchadiennes, une opération complexe qui nécessitera des moyens techniques et financiers considérables , d’autre part, la mise en place de programmes de formation et de visites de terrain destinés à renforcer les compétences des techniciens et cadres tchadiens, ce qui implique un engagement humain et financier soutenu de la part de l’Algérie ; en outre la possibilité pour le Tchad d’investir dans certains projets algériens, notamment dans le secteur minier et industriel, avec des incitations fiscales, bien que les modalités exactes restent à préciser.
Pour sa part, le Tchad entend structurer un secteur minier encore embryonnaire, en s’inspirant du modèle de l’ENOF (Entreprise nationale des produits miniers non ferreux et des substances utiles), mais il se heurte à l’absence de données fiables sur ses ressources, notamment en uranium, or et calcaire, ainsi qu’à des infrastructures logistiques et énergétiques insuffisantes pour soutenir des projets de grande envergure. Cette situation complique l’évaluation économique et opérationnelle des projets envisagés et impose une vigilance accrue dans la planification des interventions.
Un protocole d’accord est en cours de préparation, et des réunions bilatérales, ainsi que des visioconférences, sont prévues pour définir un plan d’action précis et un calendrier de mise en œuvre, tandis que les cimenteries tchadiennes, confrontées à des difficultés opérationnelles, pourraient bénéficier de l’accompagnement technique algérien, dont l’ampleur et les coûts restent encore à déterminer.
Si l’on examine ces engagements, plusieurs éléments apparaissent préoccupants et méritent une attention particulière. Tout d’abord, le potentiel minier tchadien, bien que réel, demeure mal documenté, ce qui rend toute projection économique incertaine et complique la planification des projets. Ensuite, les investissements envisagés de la part du Tchad sont hypothétiques, et la fragilité de son économie ainsi que son instabilité politique pourraient limiter sa capacité à mobiliser les fonds nécessaires, plaçant ainsi l’Algérie en première ligne pour soutenir financièrement les initiatives.
Par ailleurs, le transfert de savoir-faire et la formation technique, essentiels à la réussite de la coopération, exigent un suivi constant et des ressources humaines et financières importantes, ce qui pourrait détourner l’attention de la SONAREM de ses priorités nationales, notamment la modernisation de son propre secteur minier. À cela s’ajoutent les enjeux environnementaux : aucun protocole strict n’a été annoncé pour encadrer l’exploitation minière, alors que la protection des sols, des nappes phréatiques et des écosystèmes locaux est cruciale pour la durabilité des projets, particulièrement dans un contexte africain où l’application des normes environnementales reste difficile.
Pour l’Algérie, le transfert de savoir-faire et la formation technique exigent des moyens considérables et un suivi permanent, au risque de détourner la SONAREM de ses propres priorités nationales. De plus, aucune stratégie environnementale claire n’a été annoncée, alors que l’exploitation minière pourrait avoir des conséquences irréversibles sur les sols, les nappes phréatiques et les écosystèmes locaux, dans un contexte continental où l’application des normes reste aléatoire.
À cela s’ajoutent les contraintes géopolitiques africaines. La compétition accrue pour l’accès aux ressources – où la Chine, la Russie, la Turquie et les multinationales occidentales occupent déjà le terrain – pèse sur les marges de manœuvre algéro-tchadiennes. Dans un environnement continental marqué par des rivalités et des influences contradictoires, la feuille de route commune risque de s’effriter face aux pressions extérieures.
En définitive, si l’Algérie mise sur cette coopération pour renforcer son rôle régional et accroître son influence économique à travers des forums tels que l’IATF, elle se heurte à la réalité d’un partenaire dont la situation interne reste instable, ce qui pourrait retarder, voire compromettre, la mise en œuvre des projets envisagés.