Rome, 10 juin 2025 — Ce week-end, les Italiens étaient appelés à se prononcer sur cinq référendums touchant des domaines sensibles tels que le droit du travail et la réforme de la citoyenneté. Mais en dépit de l’importance des sujets abordés et de l’extension exceptionnelle de l’horaire des bureaux de vote jusqu’au lundi après-midi, la participation électorale n’a pas franchi le seuil requis de 50 %, rendant le scrutin caduc. Un échec que l’opposition attribue à une stratégie volontaire du gouvernement de Giorgia Meloni pour saboter ces consultations.
Sur les cinq référendums proposés, quatre portaient sur des réformes du droit du travail — notamment le renforcement de la protection contre les licenciements abusifs, la fin des plafonds d’indemnisation dans les PME, la lutte contre les abus sur les contrats temporaires, ainsi que la responsabilité partagée des employeurs en cas d’accidents du travail. Le cinquième visait à réformer la procédure de naturalisation en réduisant de dix à cinq ans la durée de résidence requise pour les ressortissants non européens.
Si les Italiens qui se sont déplacés ont massivement soutenu les propositions (avec près de 80 % de « oui » pour les questions sociales et environ 65 % en faveur de la réforme sur la citoyenneté), la participation nationale n’a pas dépassé les 30 %, bien en deçà du quorum constitutionnel.
Pour l’opposition, cette abstention n’a rien de spontané. Plusieurs figures politiques accusent la coalition au pouvoir — composée de Fratelli d’Italia, de la Lega et de Forza Italia — d’avoir tout fait pour démobiliser l’électorat. Le 2 juin, Giorgia Meloni elle-même annonçait qu’elle se rendrait aux urnes, mais sans voter, un geste interprété comme un signal d’abstention politique.
Le vice-Premier ministre Antonio Tajani a justifié cette position en évoquant « le droit à l’abstention » pour ceux opposés au contenu des référendums. Le parti Forza Italia est même allé jusqu’à publier sur les réseaux sociaux un message invitant les citoyens à « aller à la plage » plutôt qu’aux urnes.
Dans la foulée de l’annonce de l’échec du scrutin, Fratelli d’Italia a publié une image des principaux chefs de l’opposition accompagnée du message moqueur : « Vous avez perdu », assumant ouvertement l’échec des consultations comme une victoire politique.
De nombreux responsables politiques dénoncent un affaiblissement préoccupant du processus démocratique. Pina Picierno, eurodéputée du Parti démocrate et vice-présidente du Parlement européen, a qualifié ce résultat de « défaite profonde et évitable », exhortant son propre camp à sortir de sa bulle idéologique et à se reconnecter avec les priorités réelles des citoyens.
D’autres appellent à une réforme en profondeur du mécanisme référendaire. Antonio Tajani propose de revoir le seuil de signatures nécessaires et de réduire les coûts, en pointant notamment les frais liés à l’envoi de bulletins à l’étranger. Une déclaration qui a provoqué l’indignation de Riccardo Magi, leader de +Europa et président du comité citoyenneté, qui a dénoncé une « instrumentalisation cynique » du coût démocratique alors que le gouvernement finance sans compter des projets controversés, comme les centres de rétention pour migrants en Albanie.
Le débat sur le quorum constitutionnel de 50 % ressurgit donc avec force. Pour Riccardo Magi, ce seuil est désormais un « outil d’obstruction démocratique » qui permet à une minorité organisée — en l’occurrence, les partisans du statu quo — de neutraliser des consultations citoyennes massivement soutenues par les votants.
Il a annoncé le dépôt prochain d’un amendement constitutionnel visant à supprimer ce quorum, dans l’espoir de restaurer l’efficacité et la légitimité du référendum comme outil d’expression directe du peuple.
Si le gouvernement sort renforcé à court terme, cette manœuvre pourrait s’avérer risquée sur le long terme. L’image d’un exécutif bloquant délibérément la participation populaire pourrait alimenter un ressentiment croissant au sein de la société civile, déjà marquée par une crise de confiance envers les institutions.
En Italie, où l’histoire politique est marquée par l’usage du référendum comme contre-pouvoir, l’épisode de juin 2025 restera comme un signal d’alarme sur l’état de la démocratie participative dans le pays.