Le conflit au Soudan, qui s’enlise désormais dans sa troisième année, prend une nouvelle tournure inquiétante avec l’accusation portée par l’armée soudanaise contre le maréchal libyen Khalifa Haftar. Pour la première fois depuis le début de la guerre civile opposant les forces armées soudanaises aux Forces de soutien rapide (RSF), l’armée accuse directement un acteur extérieur — en l’occurrence, le puissant commandant militaire libyen — d’avoir orchestré une attaque conjointe sur des postes frontaliers stratégiques.
L’attaque, rapportée début juin 2025, s’est déroulée dans le triangle frontalier entre la Libye, l’Égypte et le Soudan, au nord d’el-Fasher, capitale de la région du Darfour du Nord. Cette zone est une ligne de front essentielle, non seulement dans la guerre interne soudanaise, mais aussi dans le jeu géopolitique plus large qui oppose différents acteurs régionaux, chacun avec ses intérêts et alliances.
Depuis le début du conflit, le Soudan a dénoncé le soutien militaire apporté aux RSF, paramilitaires accusés de graves exactions, par des forces extérieures. Haftar, soutenu par les Émirats arabes unis et l’Égypte, est soupçonné d’avoir fourni armes, mercenaires et appui logistique. Jusqu’à présent, cette implication se limitait à des accusations indirectes, mais la dernière offensive marque une escalade notable par son caractère ouvertement agressif et revendiqué.
Dans un communiqué ferme, le porte-parole de l’armée soudanaise, Nabil Abdallah, a dénoncé cette attaque comme une « agression flagrante contre la souveraineté nationale », affirmant la détermination de l’armée à défendre le pays « quelle que soit l’ampleur de la conspiration ». La responsabilité des Émirats arabes unis est également mise en cause, accusés d’alimenter les milices régionales dans une stratégie déstabilisatrice.
Le ministère soudanais des Affaires étrangères a quant à lui dénoncé cette action comme une « escalade dangereuse » et une violation claire du droit international, rappelant que la frontière entre la Libye et le Soudan est un couloir majeur pour le trafic d’armes et le passage de mercenaires soutenus par Haftar et ses alliés.
Par ailleurs, l’Égypte, qui soutient l’armée soudanaise mais aussi Haftar, se retrouve dans une posture ambivalente qui reflète les tensions et contradictions au sein même des alliances régionales.
Du côté des RSF, aucune déclaration officielle n’a été publiée, mais une source interne a confirmé la prise récente du contrôle d’une position clé dans la zone montagneuse du Jebel Uweinat, un lieu stratégique à la jonction des frontières libyenne, égyptienne et soudanaise. Cela témoigne de la volonté des RSF de consolider leur emprise dans cette région frontalière sensible.
Alors que la communauté internationale cherche à relancer des pourparlers de paix, cette nouvelle escalade souligne à quel point la guerre au Soudan est désormais un conflit aux multiples ramifications, mêlant intérêts locaux et enjeux régionaux. Elle interroge aussi sur la capacité des acteurs externes à influer sur l’issue d’une crise qui provoque une profonde instabilité au cœur de l’Afrique du Nord et de la Corne de l’Afrique.
l’accusation portée contre Haftar révèle un enjeu majeur : celui d’une guerre qui dépasse désormais les frontières soudanaises, impliquant des puissances régionales dans une bataille pour le contrôle stratégique de territoires clés, au prix d’une déstabilisation accrue et d’une prolongation des souffrances pour les populations civiles.