L’ancien Premier ministre britannique, Sir Tony Blair, est au cœur de discussions diplomatiques qui pourraient le placer à la tête d’une Autorité internationale de transition pour Gaza (GITA), un projet soutenu par la Maison Blanche et certains pays du Golfe. Selon des sources diplomatiques citées par la BBC et le Wall Street Journal, l’initiative viserait à encadrer la reconstruction et l’administration du territoire, avant de transférer progressivement le pouvoir aux Palestiniens.
Ce plan, discuté depuis plusieurs mois dans les cercles américains et arabes, s’inspirerait des précédents du Timor oriental et du Kosovo, où des administrations internationales ont supervisé des transitions complexes. L’instance, basée dans un premier temps en Égypte, fonctionnerait sous mandat de l’ONU, épaulée par une force multinationale de maintien de la paix dirigée par des pays arabes.
Blair, 72 ans, deviendrait ainsi une sorte de « gouverneur intérimaire » de Gaza, chargé de superviser la reconstruction et de garantir une stabilité minimale avant le passage de relais.
Mais la perspective d’un tel rôle soulève déjà de vives critiques. Tony Blair reste associé, dans la région comme dans l’opinion publique mondiale, à la décision d’engager le Royaume-Uni dans la guerre en Irak en 2003 aux côtés des États-Unis. Une décision ultérieurement jugée fondée sur des renseignements erronés concernant les armes de destruction massive.
Son passé d’envoyé spécial pour le Moyen-Orient au sein du Quartet (2007-2015) nourrit aussi des réactions contrastées : certains saluent son réseau diplomatique et son rôle dans le développement économique de la Cisjordanie, d’autres dénoncent une action jugée inefficace face à l’enlisement du processus de paix.
Selon plusieurs sources arabes et américaines, le plan a été bien accueilli par certains dirigeants arabes ainsi que par une partie de la direction palestinienne, mais il demeure confronté à des obstacles majeurs. D’une part, il nécessite le feu vert d’Israël et du Premier ministre Benjamin Netanyahou ; d’autre part, il repose sur le désarmement du Hamas, exigence centrale de Washington et de Tel-Aviv. À cela s’ajoute la méfiance persistante de l’Autorité palestinienne face au rôle dominant confié à une figure étrangère. Dans ce contexte, Mahmoud Abbas a réaffirmé son soutien à une solution à deux États tout en rejetant catégoriquement toute perspective de participation gouvernementale du Hamas à Gaza, insistant à nouveau sur la nécessité de son désarmement.
Ces discussions interviennent alors que le bilan humain à Gaza continue de s’alourdir : plus de 65 000 Palestiniens ont été tués depuis le déclenchement de la guerre, selon le ministère de la Santé du territoire. Une commission de l’ONU accuse Israël de génocide, accusation rejetée par Tel-Aviv.
Parallèlement, plusieurs pays occidentaux – dont le Royaume-Uni, la France, le Canada et l’Australie – ont reconnu l’État de Palestine ces dernières semaines, accentuant la pression diplomatique sur Israël.
Tony Blair n’est pas étranger aux négociations de paix , il fut l’un des artisans de l’accord du Vendredi Saint en Irlande du Nord en 1998, qui mit fin à trois décennies de violences. Il présente souvent cet accord comme un modèle exportable, fondé sur la capacité des dirigeants à affronter les « radicaux » au sein de leur camp.
Reste que son nom demeure lié à l’ombre de l’Irak. Pour ses détracteurs, son implication à Gaza pourrait être perçue comme une provocation. Pour ses soutiens, il s’agirait au contraire d’un pari diplomatique audacieux, porté par l’expérience d’un négociateur chevronné.
Le bureau de Blair a assuré qu’il ne soutiendrait aucune proposition impliquant un déplacement de la population de Gaza – une crainte persistante après les projets controversés évoqués par Donald Trump en début d’année.
Pour l’heure, aucune décision définitive n’a été prise. Mais la simple évocation du nom de Tony Blair comme possible « gouverneur intérimaire de Gaza » révèle l’ampleur des tractations internationales autour du « jour d’après » dans la bande de Gaza – un lendemain encore profondément incertain.