Le 14 octobre 2025, le colonel Michaël Randrianirina, 51 ans, a pris le contrôle de Madagascar après un coup de force militaire qui a renversé le président Andry Rajoelina. Ce vendredi 17 octobre, il prêtera serment devant la Haute Cour constitutionnelle au palais d’État d’Ambohidahy, devenant officiellement président de la Refondation de la République de Madagascar. Cet ancien allié devenu adversaire de Rajoelina incarne l’espoir d’un renouveau pour une île épuisée par des décennies de crises, mais aussi le risque d’une nouvelle instabilité.
Originaire de Sevohipoty, dans la région aride d’Androy, Michaël Randrianirina est un produit des terres austères du sud malgache. Formé à l’Académie militaire d’Antsirabe, il a marqué sa carrière comme gouverneur de l’Androy (2016-2018) et commandant d’un bataillon d’infanterie à Toliara jusqu’en 2022. Depuis, il occupait un poste clé au sein du Corps d’appui à la protection des institutions (Capsat), une unité d’élite essentielle à la sécurité de l’État.
Membre de la communauté évangélique “Mpiandry” de l’Église luthérienne malgache, Randrianirina teinte ses discours d’une dimension spirituelle, se posant en leader moral autant que militaire, avec un appel constant à la responsabilité et à l’unité du peuple.
L’ascension de Randrianirina est liée à celle de Rajoelina. En 2009, le Capsat, sous son influence, joue un rôle déterminant dans le coup d’État qui porte Rajoelina, alors maire d’Antananarivo, au pouvoir. Mais les divergences émergent rapidement : Randrianirina critique la gestion autoritaire et les échecs économiques de Rajoelina. En novembre 2023, accusé d’inciter à la mutinerie, il est arrêté pour “atteinte à la sécurité de l’État”. Libéré en février 2024 avec une peine avec sursis, il regagne discrètement les rangs du Capsat, préparant son retour.
Le 11 octobre 2025, alors que la jeunesse malgache manifeste contre les pénuries d’eau, les coupures d’électricité et le chômage, Randrianirina appelle les forces de sécurité à désobéir aux ordres de répression. Ce geste déclenche une désertion massive et un élan de soutien populaire. Deux jours plus tard, Rajoelina s’exile à Dubaï à bord d’un avion militaire français, laissant un vide institutionnel.
Le 14 octobre, les portes du palais présidentiel s’ouvrent sous l’impulsion des militaires dirigés par Randrianirina. Devant une foule en liesse, il proclame la prise de pouvoir, invoquant la “vacance” du poste présidentiel entérinée par la Haute Cour constitutionnelle. La Constitution est suspendue, les institutions – hormis l’Assemblée nationale – sont dissoutes. “Le pouvoir appartient au peuple, pas à moi”, déclare-t-il à l’Associated Press, promettant des élections dans 18 à 24 mois et la nomination imminente d’un Premier ministre pour un gouvernement de transition.
Madagascar, où 76 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, est usé par des crises à répétition depuis l’indépendance en 1960. Randrianirina hérite d’une nation fracturée, où la jeunesse aspire à une vie plus juste. Ses promesses de réformes et d’élections devront se concrétiser rapidement pour éviter une nouvelle vague de désillusion.
Sur la scène internationale, les réactions restent mitigées face à la prise de pouvoir de Michaël Randrianirina. L’Union africaine a condamné ce changement jugé inconstitutionnel et a suspendu Madagascar de ses instances, tandis que la France a appelé au respect de la démocratie et de l’État de droit, tout en se disant prête à soutenir un dialogue régional pour trouver une issue pacifique à la crise.
De son côté, Andry Rajoelina, depuis son exil, dénonce un “coup d’État illégal” et refuse de reconnaître la légitimité de la transition militaire, maintenant ainsi une tension persistante sur la scène diplomatique.