En marge d’une cérémonie d’échange de cadeaux, le président chinois Xi Jinping a surpris son homologue sud-coréen Lee Jae-myung et son épouse en leur offrant une paire de Xiaomi 15 Ultra à écran incurvé, accompagnée d’instruments de calligraphie traditionnelle chinoise. « Un pour vous, un pour votre épouse », a glissé Xi avec un sourire, précisant que les écrans OLED étaient fabriqués en Corée du Sud par Samsung Display.
Lee Jae-myung, espiègle, a soulevé l’une des boîtes scellées et demandé : « Cette communication est-elle sécurisée ? » Xi Jinping, d’ordinaire impassible, a éclaté de rire – un rare moment d’improvisation publique – et a répliqué : « Vérifiez s’il y a une backdoor ! » La salle a aussitôt éclaté de rires et d’applaudissements. La vidéo, diffusée par le bureau présidentiel sud-coréen, a dépassé 25 millions de vues en 24 heures sur X, Weibo, KakaoTalk et YouTube.
L’espionnage technologique est un tabou diplomatique : les dirigeants mondiaux n’en parlent quasiment jamais ouvertement. Pourtant, ce 1er novembre, Xi et Lee ont brisé la glace avec humour.
John Delury, historien de la Chine à Séoul, souligne : « Xi improvise rarement. Cette blague rompt avec l’entente tacite des “gentlemen d’antan” : tout le monde sait que l’espionnage existe, mais on fait comme si de rien n’était. »
Rupert Hogan, spécialiste des opérations CIA-Chine (années 1950), ajoute :« Ils n’ont pas dit “Je vous espionne”. Ils ont juste évoqué le monde secret de la surveillance… et en ont ri. »
Les soupçons autour de Xiaomi sont récurrents. En 2020, un rapport lituanien du NCSC dénonçait un outil de censure activable à distance et l’envoi de données vers Pékin sans consentement clair. En 2024, plusieurs administrations américaines, taïwanaises et européennes ont limité l’usage de ces appareils, tandis que le NIS sud-coréen examinait les cadeaux : aucun malware n’a été détecté à ce stade. En 2025, Xiaomi a officiellement démenti l’existence de toute backdoor d’État, affirmant que « les données sont collectées avec consentement pour optimiser les services » (Reuters), et Kaspersky Labs a précisé : « Pas de preuve d’espionnage direct, mais la dépendance aux serveurs cloud chinois reste un risque ».
Cette plaisanterie n’était pas anodine. L’espionnage est un secret de polichinelle, rarement évoqué publiquement par les dirigeants mondiaux. John Delury, historien de la Chine basé à Séoul, souligne qu’il s’agit d’un rare moment rompant avec « cette entente tacite et réservée aux gentlemen d’antan », selon laquelle les chefs d’État font comme si l’espionnage n’existait pas. Rupert Hogan, spécialiste des opérations de la CIA contre la Chine, ajoute : « Ils ont simplement évoqué ce monde secret d’espionnage et de surveillance sur un ton sarcastique et léger, avant d’en rire. »
Depuis des années, les États-Unis et leurs alliés mettent en garde contre l’utilisation des technologies chinoises à des fins d’espionnage. Huawei a été interdit dans plusieurs pays pour la construction de réseaux 5G, invoquant ses liens présumés avec le Parti communiste chinois. Durant son premier mandat, Donald Trump avait mis Xiaomi sur liste noire, avertissant que collaborer avec cette société pourrait exclure les entreprises américaines des contrats du Pentagone. Xiaomi a par la suite obtenu le retrait de cette interdiction, affirmant ne pas avoir de liens avec l’armée chinoise.
Selon Lu Lehan, observateur des relations sino-coréennes, l’humour de Lee Jae-myung a permis de désamorcer ces inquiétudes : « En plaisantant, il voulait dire : “Merci pour le téléphone, et je suis ravi que des entreprises chinoises et sud-coréennes collaborent à sa production.” »
Pour répondre au geste de Xi, Lee Jae-myung a offert à son tour un plateau de go en bois précieux, symbole d’échange culturel et diplomatique. Pendant les 48 heures du sommet, les deux dirigeants ont multiplié les moments chaleureux : cérémonie d’accueil militaire avec garde d’honneur, banquet d’État privé mêlant K-pop, calligraphie et plats fusion sino-coréens, spectacle de danse traditionnelle (hanbok et opéra de Pékin), ainsi que plusieurs rencontres bilatérales sur le commerce, la technologie et la situation en Corée du Nord.
Patrick F. Walsh, spécialiste du renseignement à l’université Charles Sturt, rappelle que les smartphones ne sont pas des cadeaux diplomatiques courants en raison des problèmes de sécurité. Quant à savoir si Lee Jae-myung utilisera réellement le Xiaomi, Walsh conclut avec humour : « Probablement pas. Je ne l’imagine pas dire : “Je vais utiliser ce téléphone pour parler au Premier ministre japonais ou à Washington.” Il pourrait le donner à sa petite-fille. »Xiaomi : entre soupçons récurrents et démentis officiels



























