Les présidents Abdelmadjid Tebboune et Abdel Fattah Al-Sisi ont une fois de plus affiché leur opposition ferme à toute ingérence étrangère au Soudan et en Libye lors de leur rencontre au Caire le 27 octobre 2024. Derrière cette déclaration de « non-ingérence » se cache une position complexe qui, bien que louable sur le principe, soulève des interrogations sur l’efficacité réelle des approches politiques d’Alger et du Caire face à des crises de plus en plus enchevêtrées dans les enjeux géopolitiques régionaux.
Le soutien proclamé par Tebboune et Al-Sisi Al-Sisi pour des « solutions politiques autonomes » repose sur une conception idéale de la souveraineté nationale, où chaque État doit décider de son propre avenir sans interventions extérieures. Cette approche, bien que noble, semble manquer de réalisme face à la situation actuelle au Soudan et en Libye, où l’ingérence extérieure ne se limite pas à des interventions militaires, mais inclut également des influences économiques et politiques majeures. En outre, ces pays sont devenus des théâtres de confrontation entre grandes puissances et groupes armés locaux, rendant toute solution politique interne difficilement viable sans un consensus international plus large.
Al-Sisi a souligné la nécessité d’un gouvernement stable au Soudan pour organiser des élections et rétablir l’ordre. Or, ce discours masque l’ampleur de la crise qui secoue le pays depuis des années. La guerre civile y est alimentée par des rivalités ethniques et tribales ainsi que par des interventions étrangères complexes. L’Égypte et l’Algérie, bien que proches géographiquement, semblent peu outillées pour apaiser durablement le conflit sans le soutien effectif d’autres puissances régionales et internationales. Leur approche prudente contraste avec l’urgence d’une situation où chaque jour de conflit renforce les milices locales et aggrave les divisions internes, éloignant encore plus la perspective d’une élection légitime.
Quant à la Libye, le soutien d’Al-Sisi à un processus électoral susceptible de produire un « leadership légitime » semble faire écho aux aspirations de Tebboune pour un pouvoir libyen unifié. Cependant, la réalité est tout autre : la Libye est divisée entre des factions soutenues par des puissances étrangères rivales, et tout processus électoral risque d’être perçu comme biaisé par les uns ou les autres. De plus, la question de la non-ingérence paraît paradoxale lorsque l’on sait que l’Égypte elle-même a soutenu certains acteurs militaires libyens dans le passé. Cette posture de neutralité affichée risque de manquer de crédibilité face à des acteurs régionaux et internationaux en quête de solutions plus pragmatiques.
Lors de la conférence de presse, Tebboune et Al-Sisi ont aussi appelé à un cessez-le-feu à Gaza, dénonçant ce qu’ils considèrent comme un « génocide » du peuple palestinien. Bien que cette prise de position réaffirme leur engagement envers la cause palestinienne, elle révèle aussi leur isolement diplomatique croissant. Dans un contexte où de nombreux pays arabes normalisent leurs relations avec Israël, la posture de l’Algérie et de l’Égypte pourrait apparaître moins influente et plus symbolique qu’effective. Les déclarations de soutien à Gaza risquent de rester lettre morte si elles ne sont pas accompagnées de mécanismes concrets de médiation ou d’initiatives internationales solides.
Sur le plan économique, Tebboune et Al-Sisi ont vanté la coopération croissante entre l’Égypte et l’Algérie, notamment dans le secteur énergétique et les infrastructures. Bien que prometteuse, cette coopération soulève des questions quant à la capacité de ces deux pays à surmonter leurs propres difficultés économiques et à s’engager dans des projets ambitieux dans un contexte régional instable. L’intensification des échanges économiques pourrait néanmoins représenter un rare point d’équilibre dans cette relation, si elle est menée avec rigueur et pragmatisme.
L’alliance entre l’Algérie et l’Égypte pour une approche de non-ingérence au Soudan et en Libye apparaît plus théorique que pratique, face à la complexité des conflits et aux enjeux de pouvoir externes. Tandis que leurs principes de non-intervention se heurtent aux réalités géopolitiques, l’urgence des crises humanitaires et politiques en Libye, au Soudan, et à Gaza requiert des solutions plus audacieuses et adaptées à l’intrication des intérêts régionaux.