La tension monte au Liban après les déclarations de Morgan Ortagus, adjointe de l’émissaire américain pour le Moyen-Orient, qui a affirmé que la présence du Hezbollah dans le futur gouvernement libanais constituerait une « ligne rouge » pour Washington. Cette prise de position a immédiatement suscité la réaction du Hezbollah, qui a dénoncé une « ingérence flagrante » dans les affaires libanaises.
La visite de Morgan Ortagus à Beyrouth intervient dans un contexte particulièrement délicat pour le pays du Cèdre. Après plus de deux ans de vacance du pouvoir, le 9 janvier 2025, le général Joseph Aoun a été élu président du Liban avec le soutien de plusieurs partis réformistes et pro-occidentaux. Son choix de Nawaf Salam comme Premier ministre s’inscrit dans une volonté de renouveau politique, mais il se heurte à de fortes résistances, notamment du Hezbollah et de ses alliés.
Le pays peine à sortir de sa grave crise économique et a un besoin urgent de financements internationaux pour se reconstruire après les violents affrontements entre Israël et le Hezbollah qui ont marqué l’année 2024. Mais les États-Unis et leurs alliés occidentaux exigent des réformes profondes et un affaiblissement du Hezbollah avant de débloquer toute aide financière.
Dans ce contexte, la déclaration de Morgan Ortagus à l’issue de sa rencontre avec le président Joseph Aoun a eu l’effet d’une bombe : »Nous avons fixé des lignes rouges claires aux États-Unis : le Hezbollah ne pourra plus terroriser le peuple libanais, y compris en faisant partie du gouvernement. »
Elle a ajouté que « la fin du règne de la terreur du Hezbollah a commencé », marquant ainsi une position ferme de l’administration américaine contre l’influence du mouvement pro-iranien au Liban.
Ces propos ont immédiatement suscité une réaction du Hezbollah, dont le chef du bloc parlementaire, Mohammed Raad, a dénoncé une « ingérence flagrante dans la souveraineté du Liban ».
« Ces déclarations sont empreintes de malveillance et d’irresponsabilité. Elles visent un acteur de la vie politique libanaise légitime et reconnu par une large partie de la population », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le Hezbollah, qui dispose de ministres au sein des précédents gouvernements, considère ces propos comme une tentative des États-Unis d’imposer leurs choix politiques au Liban, au détriment des équilibres internes du pays.
Face à cette polémique grandissante, le président Joseph Aoun a rapidement tenté de prendre ses distances avec les déclarations de l’émissaire américaine. Son bureau a publié un communiqué affirmant que « certains » des propos de Morgan Ortagus « représentent son propre point de vue et ne concernent pas la présidence ».
En réaction aux déclarations américaines, des centaines de partisans du Hezbollah se sont rassemblés à Beyrouth, brûlant des pneus et scandant des slogans contre les États-Unis et Israël. Certains manifestants ont peint à la bombe le sigle « USA » et une étoile de David sur la chaussée, en signe de protestation contre ce qu’ils considèrent comme une ingérence américaine et une tentative de soumission du Liban à l’Occident.
De son côté, le Hezbollah accuse les États-Unis de vouloir imposer un gouvernement docile, qui servirait avant tout les intérêts de Washington et d’Israël dans la région.
Dans tous les cas, une chose est certaine : la stabilité du Liban dépendra des rapports de force entre Washington, Téhéran et les acteurs locaux. Une situation qui, une fois encore, met en péril l’avenir du pays et de son peuple.