Le procès de Nicolas Sarkozy et de onze autres prévenus, accusés de financement illégal de campagne électorale par la Libye de Mouammar Kadhafi en 2007, a connu un nouveau tournant ce mardi 25 mars. L’État libyen, représenté par ses avocates, a réclamé 10 millions d’euros de dommages et intérêts, estimant avoir subi un « préjudice personnel et direct » lié aux infractions reprochées à l’ancien président français et à ses complices présumés.
Depuis le début du procès, le 6 janvier dernier, la Libye s’est tenue dans une « posture d’écoute attentive », selon les propos de Me Carole Sportes, l’une des avocates de l’État libyen. Toutefois, elle estime aujourd’hui que la Libye est en droit de demander réparation, mettant en avant l’impact direct des faits sur la population.
« Parmi les sept millions de citoyens libyens, une très grande majorité est fonctionnaire », a-t-elle plaidé. « Au-delà du principe de probité qu’il faut défendre à tout prix, l’impact d’une possible corruption est direct dans leur quotidien. »
La défense de Nicolas Sarkozy et de ses coaccusés continue de brandir la thèse d’un « complot » orchestré par l’entourage de Kadhafi pour se venger de l’intervention militaire occidentale en Libye en 2011. Une version balayée par l’accusation. « Il y a trop d’éléments concordants venant d’une multiplicité de sources, trop de détails précis et trop de constance dans le temps dans les déclarations », a rétorqué Me Sportes, avant d’énumérer une série de preuves contenues dans le dossier d’instruction.
L’État libyen réclame 5 millions d’euros au titre du préjudice matériel, soit l’équivalent des virements d’argent libyen retracés sur le compte de l’intermédiaire Ziad Takieddine en 2006. Une somme équivalente est demandée pour le préjudice moral subi par le pays.
« L’impact est bien plus grave que la seule somme allouée », a souligné Me Marion Seranne, l’autre avocate de la Libye. « Les atteintes à la probité sont la pierre angulaire d’une démocratie. Dans un pays en reconstruction comme la Libye, elles sont d’une particulière gravité. »
En parallèle de cette demande de réparation, un volet annexe de l’affaire a été abordé la veille. L’avocat du fonds souverain libyen, le Libyan African Portfolio (LAP), a requis 12,4 millions d’euros en dommages et intérêts et frais d’avocats contre cinq prévenus. Parmi eux figurent l’ancien dirigeant du LAP Bechir Saleh, l’intermédiaire Alexandre Djouhri, ainsi que deux hommes d’affaires saoudiens et un banquier franco-djiboutien. Ils sont soupçonnés d’avoir orchestré l’achat d’une villa en France à un prix surévalué, détournant ainsi des fonds publics libyens.
Alors que le procès entre dans une phase décisive avec les réquisitions à venir, la demande de l’État libyen ajoute une pression supplémentaire sur Nicolas Sarkozy et ses coaccusés. L’issue judiciaire de cette affaire reste incertaine, mais elle pourrait marquer un tournant dans l’histoire des relations franco-libyennes et la lutte contre la corruption politique.