L’Opep+ nous offre une nouvelle démonstration de son art du suspense, digne d’un feuilleton dont on connaît déjà la fin sans jamais en voir le dénouement. Lundi dernier, l’Algérie et sept autres pays – rien de moins que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Irak, le Kazakhstan, le Koweït, Oman et la Russie – ont décidé, dans un élan de magnanimité soigneusement pesé, de relâcher un peu la pression sur leurs fameuses « réductions volontaires » de production pétrolière de production pétrolière à partir du 1er avril – une date qui, espérons-le, ne sera pas un poisson d’avril pour les marchés.
Réunis en vidéoconférence, ces as du pétrole – autoproclamés gardiens du marché – ont décrété qu’il était temps d’alléger les restrictions, orchestrant une hausse progressive qui, tel un grand cru, promet monts et merveilles d’ici 2026, si tant est que le monde veuille encore trinquer. Pour l’Algérie, cela se traduit par une ascension de 911 000 barils par jour en avril à un million en deux ans – une attente savamment calculée, digne d’un artisan peaufinant son ouvrage avec un zèle presque suspect, comme si chaque goutte d’or noir pouvait masquer les fissures d’un plan bien huilé mais fragile.
Mohamed Arkab, ministre algérien de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables, s’est empressé de vanter la « responsabilité » de cette décision – un refrain bien rodé dans la chorale de l’Opep+, chanté avec une régularité qui frôle la liturgie. L’objectif, clamé haut et fort, reste immuable : stabiliser un marché pétrolier qui, à force d’être materné, ressemble à un funambule oscillant entre chutes spectaculaires et redressements miraculeux. Cette stratégie, nous assure-t-on, repose sur une analyse « approfondie » des perspectives à venir – disons plutôt une boule de cristal délicatement astiquée, mais pas infaillible. Les « fondamentaux sains » du marché, mis en avant dans le communiqué de l’Opep, servent de caution à cette audace mesurée. Pourtant, difficile de ne pas se demander si ces fondamentaux, si solides soient-ils sur le papier, résisteront aux bourrasques habituelles : tensions géopolitiques, caprices des traders ou encore l’essor imprévisible des énergies vertes.
Pour l’Algérie, ce retour au million de barils par jour s’apparente à une quête discrète mais symbolique. Passer de 911 000 à 1,007 million en deux ans, c’est un peu comme gravir une dune à petits pas, avec l’espoir que le sommet offre une vue dégagée sur des recettes pétrolières revigorées. Mais ne nous y trompons pas : cette progression, si elle flatte l’ego national, reste une goutte dans l’océan des 2,2 millions de barils que l’Opep+ remettra progressivement sur le marché. Une goutte précieuse, certes, mais diluée dans une stratégie collective où chaque pays joue sa partition tout en surveillant ses voisins du coin de l’œil.
Le plus révélateur dans cette annonce, c’est la clause de sécurité glissée comme une note en bas de page : cette augmentation sera « flexible » et pourra être « suspendue ou inversée » au moindre signe de tempête. Autrement dit, l’Opep+ s’offre une porte de sortie élégante, un parachute doré pour éviter de s’écraser si les vents tournent.