Le 17 mai 2025, le ministre syrien de la Défense, Mourhaf Abou Qasra, a lancé un ultimatum décisif aux groupes armés encore actifs sur le territoire syrien. Ces derniers disposent désormais d’un délai de dix jours pour rejoindre les forces régulières placées sous l’autorité du ministère de la Défense. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une vaste réforme militaire initiée par le nouveau pouvoir intérimaire, dirigé par Ahmed al-Charaa, ancien chef du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS), et désormais président de la République arabe syrienne par intérim, depuis la chute de Bachar el-Assad en décembre 2024.
En parallèle, le président al-Charaa a amorcé un processus d’intégration des groupes armés, qu’ils soient islamistes, nationalistes ou issus de milices locales. Cette stratégie vise à établir une institution militaire unifiée, capable de garantir l’ordre public et la souveraineté du pays, tout en évitant une fragmentation prolongée du territoire.
Plusieurs factions ont déjà répondu à l’appel, notamment des unités issues de HTS, mais aussi certains groupes opposés historiquement à l’État syrien. Cependant, la diversité idéologique et ethnique des groupes armés représente un véritable défi. Des anciens combattants jihadistes, y compris certains liés aux courants salafistes les plus radicaux, auraient été nommés à des postes de commandement, suscitant de vives critiques à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Si cette décision est perçue par certains comme une manière pragmatique de stabiliser le pays, elle inquiète aussi les défenseurs d’une Syrie pluraliste et laïque.
Par ailleurs, les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes et soutenues par les États-Unis dans la lutte contre Daech, n’ont pas encore été pleinement intégrées à la nouvelle structure. Bien que le président al-Charaa ait affirmé que toutes les armes devaient être placées sous contrôle étatique, les négociations avec les représentants kurdes demeurent tendues, notamment autour des questions d’autonomie, de représentation politique et de commandement militaire.
Dans son communiqué, le ministre Mourhaf Abou Qasra a appelé les groupes restants à se conformer à l’appel à l’unification, dans un délai de dix jours. À défaut, le ministère prendra des « mesures appropriées conformément à la loi », sans plus de précisions. Cette mise en garde laisse entrevoir une possible offensive militaire contre les factions qui refuseraient de se soumettre au nouveau commandement centralisé.
Cette stratégie comporte un double objectif : imposer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire syrien et prévenir l’émergence de nouveaux foyers de résistance armée susceptibles de faire dérailler la fragile transition politique.
Sur le plan diplomatique, la situation connaît un réchauffement significatif. Les États-Unis ont récemment levé plusieurs sanctions économiques, saluant la volonté du gouvernement intérimaire de reconstruire des institutions inclusives et de lutter contre les restes de l’État islamique. Une rencontre officielle entre Ahmed al-Charaa et le président américain, tenue à Paris début mai, a permis d’acter un nouveau partenariat stratégique en matière de sécurité, de reconstruction et de gouvernance.
Ce soutien occidental, bien que conditionné à des garanties de démocratisation, pourrait offrir au gouvernement intérimaire une légitimité renforcée sur la scène internationale, tout en accélérant le retour de certaines aides humanitaires et financières.
Malgré ces avancées, des violences sporadiques continuent de secouer certaines régions du pays. Dans les provinces de Deir ez-Zor et de Deraa, des affrontements intercommunautaires et des attaques de cellules dormantes de l’État islamique rappellent que la pacification reste un objectif lointain. De plus, l’absence d’un consensus clair sur l’avenir institutionnel de la Syrie, notamment sur la place des minorités ethniques et religieuses, complique la consolidation d’un État central stable.
Pour de nombreux Syriens, le défi est désormais moins militaire que politique : comment éviter que la transition ne soit confisquée par une seule faction, et comment bâtir une armée nationale qui soit véritablement représentative de la diversité du peuple syrien ?