Beyrouth, 5 août 2025 – Pour la première fois depuis la fin de la guerre civile, le gouvernement libanais s’attaque de front à l’épineuse question du désarmement du Hezbollah. Sous la pression des États-Unis et dans un contexte régional en pleine recomposition, l’exécutif a chargé l’armée de préparer, d’ici la fin de l’année, un plan de rétablissement du monopole de la force armée au profit de l’État. Une décision historique… mais explosive.
Lors de la réunion ministérielle présidée par le chef de l’État Joseph Aoun, l’ordre du jour était clair : affirmer la souveraineté nationale et examiner les modalités de mise en œuvre du cessez-le-feu du 27 novembre 2024, conclu après le conflit sanglant entre le Hezbollah et Israël. En ligne de mire, une exigence désormais prioritaire : désarmer le Hezbollah, dernière milice à avoir conservé son arsenal après la guerre civile de 1975-1990.
Ce virage sécuritaire radical, longtemps inenvisageable en raison de l’emprise politique du Hezbollah, s’explique par l’affaiblissement du mouvement chiite pro-iranien après sa confrontation directe avec Israël à l’automne dernier. Si le parti conserve encore un important ancrage populaire, son autorité dans les cercles gouvernementaux a nettement reculé.
Le Premier ministre Nawaf Salam a annoncé que l’armée libanaise est désormais chargée d’élaborer un plan opérationnel pour garantir, d’ici le 31 décembre, que seules les institutions officielles soient autorisées à porter des armes. Ce plan sera présenté au Conseil des ministres au plus tard le 31 août. Il s’inscrit dans le cadre du cessez-le-feu qui ne reconnaît comme forces armées légitimes que l’armée, la Sécurité intérieure, la Sûreté générale, la Sûreté de l’État, les douanes et la police municipale.
En parallèle, le chef du Hezbollah, Naïm Qassem, a réagi fermement lors d’un discours télévisé, dénonçant un « diktat américain » destiné à « priver le Liban de sa force ». Selon lui, toute tentative d’imposer un calendrier pour la remise des armes sous pression des attaques israéliennes est « inacceptable ». Le Hezbollah exige avant toute discussion : le retrait d’Israël des positions qu’il occupe au sud du Liban, l’arrêt des frappes et la reconstruction des zones dévastées.
Le mouvement affirme ne pas reconnaître d’autre accord que celui du cessez-le-feu du 27 novembre, et rejette catégoriquement toute nouvelle négociation tant que l’agression israélienne se poursuit. « Veut-on un dialogue, ou seulement que nous déposions les armes sans conditions ? », a lancé Qassem, tout en refusant un « désarmement unilatéral ».
La décision gouvernementale ne fait pas l’unanimité au sein de l’exécutif. Deux ministres proches du Hezbollah et de son allié Amal — Tamara Zein et Rakan Nasreddine — ont quitté la séance en signe de protestation. Selon plusieurs sources, les États-Unis insistent pour que le Hezbollah soit désarmé selon un calendrier strict, mais Beyrouth sait que l’opération nécessitera plus qu’un plan militaire : un compromis politique et régional difficile.
En attendant, le gouvernement libanais poursuit l’étude du document transmis par l’émissaire américain Tom Barrack, contenant une proposition de calendrier de désarmement. La prochaine réunion du Conseil des ministres, prévue jeudi, pourrait marquer un tournant décisif dans cette affaire à haut risque.