La Coalition pour la reconstruction et le développement, menée par le Premier ministre sortant Mohammed Shia al-Sudani, arrive en tête du scrutin avec 1,3 million de voix, soit 370 000 de plus que son rival le plus proche. Une victoire numérique, certes, mais sans majorité absolue : sur 329 sièges, aucun camp ne détient la clé du pouvoir.
Avec 56 % de participation, al-Sudani salue une « renaissance démocratique ». Le mot sonne creux pour une grande partie de la population. Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, il s’efforce de projeter l’image d’un stabilisateur — un homme de compromis dans un pays où corruption, confessionnalisme et pétrole s’entrechoquent sans répit.
Mais l’ombre de Moqtada al-Sadr, le turbulent chef religieux chiite, plane toujours sur Bagdad. Son boycott électoral a vidé les urnes dans plusieurs bastions chiites, transformant le scrutin en plébiscite sous perfusion. Pour beaucoup d’Irakiens, voter revient à reconduire un système corrompu, incapable de redistribuer la richesse pétrolière ni d’enrayer le clientélisme endémique.
Sud chiite, ouest sunnite, nord kurde : les lignes communautaires restent les mêmes, comme tracées au scalpel sur la carte du pays.
Deux surprises toutefois, à Ninive, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) remporte une victoire inattendue dans un fief sunnite ; à Diyala, aucun Kurde n’est élu pour la première fois depuis 2003. Résultat : un Parlement transformé en échiquier de blocs rivaux, où chaque camp défend son territoire sans parvenir à occuper le centre.
Dans l’ombre, Téhéran observe, Washington temporise, et les factions locales négocient leur part du gâteau.
Le pays reste un État sous perfusion, enlisé entre ses fractures internes et la lassitude d’un peuple qui ne croit plus aux promesses.
Qu’il conserve son poste ou qu’un nouvel équilibre émerge, Mohammed Shia al-Sudani — ou son éventuel successeur — devra s’attaquer à un héritage empoisonné accumulé depuis des décennies. L’Irak reste un pays où plus de 40 % des jeunes sont sans emploi, une génération désabusée qui regarde son avenir s’effriter entre promesses non tenues et corruption omniprésente. Les services publics, eux, continuent de s’enliser dans la bureaucratie et le détournement de fonds, rendant chaque réforme aussi lente que suspecte. À cela s’ajoute une dépendance pétrolière chronique, qui freine toute tentative de diversification économique et maintient le pays sous la coupe des marchés mondiaux et de ses partenaires étrangers.
Entre la peur du retour des violences, la lassitude d’un peuple meurtri et la lenteur d’un État sclérosé, la victoire d’al-Sudani ressemble davantage à une trêve qu’à un triomphe.

























