L’élection présidentielle tunisienne de ce dimanche soulève des interrogations majeures sur la légitimité du processus électoral et la véritable nature de la démocratie en Tunisie. L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), chargée de l’organisation du scrutin, n’a pas prévu de second tour, ce qui rend la situation particulièrement préoccupante.
Avec seulement deux candidats autorisés à se présenter face à Kaïs Saïed, actuel occupant du Palais de Carthage, l’issue du vote semble déjà scellée. D’une part, Ayachi Zammel, l’un de ses rivaux, est actuellement en prison, tandis que l’autre candidat, Zouhaïr Maghzaoui, a longtemps été un soutien de Saïed, apparaissant davantage comme un figurant que comme un véritable adversaire. Ce scénario laisse entrevoir un scrutin verrouillé, où le résultat semble déjà écrit.
L’enjeu de la participation électorale devient alors primordial. Les précédents scrutins convoqués par Saïed ont enregistré des taux de participation alarmants, illustrant une déconnexion croissante entre le président et le peuple. Les élections législatives de janvier 2023, avec seulement 11,3 % de participation, témoignent d’une profonde désillusion citoyenne envers un président qui se présente comme le champion de la volonté populaire. Dans ce contexte, les efforts désespérés des partisans de Saïed pour inciter les électeurs à voter révèlent une angoisse palpable face à un potentiel nouvel échec électoral.
Khadija Mohsen Finan, politologue, évoque une image d’autorité que Kaïs Saïed ne cherche même plus à dissimuler. La concentration des pouvoirs et le rejet des contre-pouvoirs sont perçus par certains comme des signes d’intégrité, mais la popularité de Saïed est en déclin, et l’absence de sondages fiables souligne un malaise général. En excluant les organisations d’observation électorale, le régime démontre sa fébrilité face à une colère populaire grandissante, alimentée par une crise économique et sociale en aggravation.
Les avertissements d’opposants comme Hatem Nafti sont préoccupants. La réélection de Saïed pourrait entraîner un durcissement des mesures répressives, aggravant une situation déjà tendue. Les manifestations contre le régime peinent à mobiliser un soutien au-delà des bases traditionnelles, laissant entrevoir une dynamique inquiétante d’apathie populaire.
En somme, cette élection ne constitue pas seulement un moment décisif pour Kaïs Saïed, mais également un révélateur des fractures profondes de la société tunisienne. Alors que le pays est confronté à des défis économiques majeurs, cette présidentielle pourrait-elle catalyser un retour à des temps que l’on croyait révolus ? La réponse, au-delà de la simple question du nombre de tours, réside dans la capacité de la Tunisie à s’interroger sur ses véritables enjeux démocratiques et à revendiquer un avenir qui ne se limite pas à la répétition d’un passé déjà trop lourd.