Alors que le monde se prépare à encaisser les chocs d’une guerre commerciale relancée entre Washington et Pékin, l’Algérie, elle, retient son souffle. Pour un pays dont l’économie repose quasi exclusivement sur les exportations d’hydrocarbures, la chute brutale des prix du pétrole met à nu la vulnérabilité d’un système à la dérive, prisonnier d’une rente épuisée et d’un régime figé.
Avec plus de 93 % de ses recettes d’exportation provenant des hydrocarbures, l’Algérie est directement exposée aux caprices du marché pétrolier. Chaque dollar perdu par baril se traduit mécaniquement par un trou béant dans le budget de l’État, déjà fragilisé par une politique de subventions insoutenables et une dette intérieure qui ne cesse d’enfler. Or, en l’absence d’une diversification sérieuse de l’économie, Alger ne dispose d’aucun véritable levier pour amortir le choc.
La nouvelle dégringolade des cours du brut pourrait ainsi forcer le régime à puiser davantage dans les réserves de change, déjà passées de 200 milliards de dollars en 2014 à moins de 45 milliards aujourd’hui, selon les données du FMI. Cette saignée accélérée rend le pays dépendant de l’endettement extérieur, une perspective que le pouvoir tente de masquer derrière un discours souverainiste creux.
Au lieu d’anticiper les bouleversements géoéconomiques mondiaux, le régime algérien s’entête à maintenir un modèle rentier dépassé, préférant le court-termisme électoraliste aux réformes structurelles urgentes. Tandis que les grandes puissances adaptent leurs stratégies énergétiques, l’Algérie reste figée, incapable de moderniser son secteur pétrolier, d’attirer les investisseurs étrangers ou de libérer l’initiative privée.
La Sonatrach, mastodonte étatique au fonctionnement opaque, est minée par les scandales de corruption, les luttes de clans et l’ingérence politique. À cela s’ajoutent des décisions absurdes comme la surprotection du dinar, qui décourage les exportations hors hydrocarbures, et un code de l’investissement dissuasif. Résultat : le pays se retrouve dans une spirale descendante, dépendant d’un pétrole instable et d’une gouvernance verrouillée.
Mais au-delà des indicateurs économiques, c’est la cohésion sociale qui pourrait s’effondrer. Face à une inflation galopante, à un chômage endémique des jeunes, et à la réduction progressive des subventions, la colère gronde dans la rue algérienne. Toute nouvelle baisse prolongée des prix du pétrole pourrait déclencher une crise sociale majeure, que le régime ne pourra plus étouffer avec des promesses creuses ni une répression policière.
Le plus inquiétant reste le silence stratégique du pouvoir face à cette situation. Ni débat national, ni feuille de route crédible ne sont proposés. Pendant que le monde s’adapte aux nouvelles donnes du marché, le régime algérien, replié sur lui-même, s’enfonce dans un déni dangereux, condamnant tout un peuple à l’incertitude.