Lors de la 52ᵉ réunion du Comité monétaire et financier international (IMFC) à Washington, les 16 et 17 octobre 2025, Salah-Eddine Taleb, gouverneur de la Banque d’Algérie, a dressé un constat lucide des défis économiques actuels. Dans un monde marqué par la montée du protectionnisme, des incertitudes géopolitiques et des transformations structurelles, il a plaidé pour un multilatéralisme renforcé et des réformes audacieuses pour l’Algérie et la région MOANAP (Moyen-Orient, Afrique du Nord et Asie centrale).
Si l’Algérie bénéficie encore d’une population jeune, le vieillissement progressif et l’allongement de l’espérance de vie pourraient, à terme, réduire la main-d’œuvre active, exerçant ainsi une pression accrue sur les systèmes de santé et de retraite. Cette évolution impose au pays une planification proactive afin d’éviter des déséquilibres budgétaires et intergénérationnels, tout en tirant parti du dividende démographique actuel.
Parallèlement, la révolution numérique représente à la fois une opportunité et un défi pour l’Algérie. Si elle permet d’accroître l’innovation et la productivité, le retard des infrastructures digitales nationales et régionales risque de faire décrocher le pays par rapport aux économies avancées. Cette fracture numérique accentue les inégalités et limite l’accès à une croissance inclusive, renforçant la nécessité d’investissements stratégiques dans le numérique et la formation.
En outre, l’urgence climatique constitue une pression supplémentaire sur l’économie algérienne. Sécheresses récurrentes, catastrophes naturelles et transition énergétique imposent des coûts considérables et obligent à mobiliser des financements conséquents pour soutenir une économie verte et résiliente. Sans un appui international et une planification nationale adaptée, ces défis pourraient se traduire par des pertes économiques significatives et une vulnérabilité accrue face aux chocs externes.
Face à ce contexte complexe, M. Taleb a identifié plusieurs risques majeurs qui fragilisent la stabilité économique, tant pour l’Algérie que pour la région MOANAP. La hausse des dettes publiques et privées, conjuguée à celle des taux d’intérêt, réduit les marges de manœuvre de l’Algérie pour faire face à de nouveaux chocs. À cela s’ajoute la volatilité financière, exacerbée par les incertitudes géopolitiques, qui freine les investissements à long terme indispensables à la croissance durable.
Par ailleurs, les conflits géopolitiques, qu’il s’agisse de tensions commerciales ou de conflits armés, perturbent les chaînes d’approvisionnement et renforcent les pressions inflationnistes, affectant directement les exportations algériennes et la compétitivité du pays. Enfin, la montée du protectionnisme, avec la multiplication des barrières tarifaires, fragmente l’économie mondiale et pénalise particulièrement les nations dépendantes du commerce international, comme l’Algérie et ses voisins.
La région MOANAP demeure particulièrement vulnérable aux fluctuations économiques mondiales. Les pays exportateurs d’hydrocarbures, tels que l’Algérie, subissent en permanence la volatilité des prix du pétrole et du gaz, menaçant leurs équilibres budgétaires. Pour renforcer leur résilience, ces pays doivent accélérer la diversification économique, en investissant dans les énergies renouvelables, l’agriculture et les technologies.
De leur côté, les pays importateurs d’énergie voient leurs déficits commerciaux et budgétaires aggravés par les hausses des prix énergétiques, rendant impératives des réformes fiscales et une meilleure allocation des ressources publiques. Quant aux pays à faible revenu, ils dépendent fortement d’un appui international pour financer des projets structurants dans les infrastructures, l’éducation et la santé, afin de réduire leur vulnérabilité.
Pour renforcer sa résilience face à ces défis, M. Taleb propose un ensemble de mesures concrètes et stratégiques. La diversification économique doit permettre de réduire la dépendance aux hydrocarbures en développant l’agriculture, le tourisme et le numérique. La stabilité macroéconomique, assurée par le contrôle de l’inflation, la viabilité de la dette et la reconstitution des marges budgétaires, constitue un socle indispensable.
Parallèlement, les investissements stratégiques doivent être orientés vers les infrastructures, la santé et l’éducation afin de soutenir une croissance inclusive et durable. Enfin, l’emploi et la formation des jeunes doivent être promus pour exploiter pleinement le dividende démographique et préparer l’Algérie aux défis futurs.
Face à la fragmentation de l’économie mondiale, M. Taleb appelle à renforcer la coopération internationale. Il souligne l’urgence de réformer les institutions telles que le FMI et la Banque mondiale pour mieux gérer les différends commerciaux et limiter le protectionnisme. Il insiste également sur la nécessité de soutenir les pays émergents, en particulier ceux de la région MOANAP, afin de les protéger contre les chocs économiques et climatiques. Enfin, la coordination des politiques économiques à l’échelle internationale est essentielle pour réduire la volatilité financière et promouvoir une croissance durable et inclusive.