Dans une scène macabre révélatrice de l’ampleur du drame algérien, les vagues ont rejeté cette semaine sur la plage d’Ouled Bounar, dans la ville de Jijel, cinquante corps en état de décomposition avancée, non identifiés, sans distinction de sexe ni d’origine. Des images insoutenables qui traduisent, mieux que les mots, l’état de détresse profonde d’un pays où la mer devient un cimetière collectif pour ceux qui fuient l’enfer intérieur.
Les premières enquêtes laissent entendre que ces cadavres appartiendraient très probablement à des dizaines de jeunes harragas portés disparus depuis plusieurs jours. Quatre embarcations, parties de différentes régions avec à leur bord des Algériens désespérés, ont chaviré en mer, et les courants ont fini par rejeter leurs corps sur la côte de Jijel.
Ces scènes ne sont pas isolées ; elles s’inscrivent dans une série de drames similaires, rappelant que les conditions de vie en Algérie sont devenues insupportables. La jeunesse a perdu tout espoir d’un avenir meilleur, confrontée à l’emprise d’un régime militaire mené d’une main de fer par le général Saïd Chengriha et sa cour de prédateurs. Cette élite militaro-affairiste s’est accaparée toutes les richesses du pays, laissant la population dans la misère et le dénuement.
À ce mal-être économique s’ajoute une répression quotidienne et une négation brutale des libertés fondamentales. Les Algériens vivent sous surveillance constante, réduits au silence, avec pour seule alternative : fuir ou se taire. Selon de récentes études, le niveau de vie en Algérie a connu une dégringolade alarmante, en particulier depuis 2019. Plus de 70 % des ménages peinent à subvenir à leurs besoins élémentaires. Le taux de pauvreté ne cesse de croître, atteignant un seuil critique dès le début de l’année 2025.
De nombreux observateurs voient dans ces tentatives massives de fuite un signe clair du désespoir collectif et de l’effondrement social causé par un régime qui vit, selon eux, ses derniers jours. Car plutôt que de répondre à l’urgence sociale, les généraux préfèrent détourner l’attention en créant des tensions artificielles : conflits avec le Maroc, escalades diplomatiques au Mali, au Niger, au Tchad… autant de diversions cyniques pour masquer la réalité d’un peuple affamé, brisé, et privé de toute perspective.
En Algérie, aujourd’hui, parler de la crise économique ou des injustices sociales suffit à vous envoyer en prison. C’est dans cette atmosphère étouffante que des centaines de jeunes choisissent la mer, préférant risquer la noyade à une vie de misère et de silence imposé. Une tragédie nationale, dont les vagues continuent de rapporter le prix funeste.