Sous l’impulsion du président Bassirou Diomaye Faye, la magistrature sénégalaise a subi une réorganisation majeure le 11 août 2024. Ce remaniement a touché des magistrats clés, dont certains étaient directement impliqués dans l’affaire très médiatisée de « Sweet Beauty ». En procédant à une mutation stratégique de ces figures judiciaires vers des juridictions éloignées de Dakar, le président a non seulement redéfini les contours du pouvoir judiciaire sénégalais, mais a également suscité des interrogations sur les véritables motifs de ces changements.
Cette réorganisation, qui éloigne les magistrats du centre névralgique du pouvoir judiciaire, semble marquer une volonté de rétablir l’ordre au sein du système judiciaire. Cependant, cette décision soulève des questions cruciales : s’agit-il d’une réforme audacieuse visant à améliorer la transparence et l’efficacité du système judiciaire, ou bien d’une manoeuvre politique pour écarter des magistrats considérés comme des obstacles à l’agenda présidentiel ?
En déplaçant ces acteurs clés vers des régions plus isolées, le président Faye pourrait bien être en train de repositionner le pouvoir judiciaire pour mieux contrôler et orienter les affaires sensibles.
Oumar Maham Diallo, ancien doyen des juges d’instruction au tribunal de grande instance hors classe de Dakar, a été envoyé à Tambacounda pour y présider une chambre. Abdou Karim Diop, le procureur qui avait engagé des poursuites contre Ousmane Sonko pour « association de malfaiteurs » et « vol », a également été déplacé à Tambacounda, où il rejoindra Mamadou Seck, ancien juge au tribunal de grande instance de Dakar. Ces magistrats ont tous en commun d’avoir été au cœur de l’affaire « Sweet Beauty », qui a secoué le pays en 2021 et laissé des traces indélébiles.
Sous l’autorité du conseil supérieur de la magistrature, dirigé par Bassirou Diomaye Faye, ces mutations sont plus qu’un simple déplacement administratif : elles reflètent une volonté de remanier profondément l’équilibre judiciaire du pays. Tambacounda, une région aux conditions climatiques extrêmes, devient ainsi le nouvel épicentre de ces figures judiciaires délocalisées, marquant une réorientation majeure dans la gestion des affaires sensibles.
Parallèlement à ces mutations, certaines promotions attirent l’attention. Sabassy Faye, connu pour avoir défendu la réintégration de Sonko dans les listes électorales, a quitté Ziguinchor pour prendre la tête du tribunal de grande instance de Fatick. Ce geste, interprété par certains comme une revanche orchestrée par Sonko, devenu Premier ministre, montre à quel point les lignes du pouvoir se redessinent au gré des alliances et des rivalités.
La création d’un pool judiciaire financier pour remplacer la cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) illustre également cette dynamique de renouveau. Composé de 27 magistrats, ce pool, dirigé par El Hadji Alioune Abdoulaye Sylla, est chargé de traquer les délinquants financiers, incarnant la nouvelle priorité de la justice sénégalaise.
Cependant, cette réorganisation ne va pas sans susciter des critiques. L’ancien parti présidentiel, l’APR, désormais dans l’opposition, s’inquiète d’une possible « chasse aux sorcières » dissimulée sous le prétexte de la reddition des comptes. L’accusation d’une justice instrumentalisée par l’exécutif revient également, notamment avec l’idée que le président choisirait ses magistrats pour consolider son pouvoir.
Ibrahima Hamidou Deme, ancien magistrat et candidat recalé de la dernière présidentielle, reconnaît la nécessité de la reddition des comptes, mais déplore que l’exécutif conserve une mainmise sur la carrière des juges. Face à ces accusations, Ousseynou Ly, porte-parole de la présidence, répond avec ironie : ceux qui se sentent visés par une « chasse aux sorcières » doivent probablement se reconnaître comme telles.
Ainsi, la réorganisation judiciaire opérée par Bassirou Diomaye Faye ne se contente pas de déplacer des pions sur l’échiquier, elle redéfinit les règles du jeu, dans un contexte où la justice devient un terrain de lutte pour le pouvoir et l’indépendance. sur l’échiquier, elle redéfinit les règles du jeu, dans un contexte où la justice devient un terrain de lutte pour le pouvoir et l’indépendance.
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