Sous couvert de rationalisation, le football algérien est en train de devenir le laboratoire d’une austérité mal pensée, imposée par une Fédération aux ordres, plus soucieuse de plaire au sommet de l’État que de bâtir un avenir sportif crédible. Depuis novembre 2024, une série de mesures restrictives s’abat sur les clubs professionnels, prises dans la précipitation après les instructions du président Tebboune. Le tout nouvel attelage « Sadi-Ministère des Sports–FAF » a déclenché une réforme aux allures de cure d’austérité sans filet.
Les clubs de Ligue 1 ont été sommés de réduire leur train de vie et de créer des académies avant fin janvier 2025. Mais à quoi bon décréter une « formation nationale » si, en réalité, seuls un ou deux clubs – tel le Paradou AC – disposent de structures viables ? Le tournoi organisé en juin pour les « académies » n’était qu’une vitrine vide : un rassemblement de U-13 improvisé pour cocher une case administrative.
Pire encore, la Fédération impose un contrat-type aux joueurs professionnels et plafonne la masse salariale à 50 millions de dinars par mois, sous peine de sanctions automatiques. Une manière de gérer par la menace, non par la stratégie. Les grandes entreprises publiques (Sonatrach, Sonelgaz, Madar, Serport), qui injectaient jusqu’ici des fonds dans leurs clubs affiliés, sont désormais priées de serrer la vis. Mais dans quel but ? Réduire les dépenses ou saborder les ambitions ?
Car pendant ce temps, ailleurs en Afrique, les clubs prospèrent. Al-Ahly (30,75 M€), Mamelodi Sundowns (21,3 M€), Zamalek (20,55 M€), Pyramids (19,6 M€) ou encore l’Espérance de Tunis (17,63 M€) dominent le continent. Et l’Algérie ? Cinq clubs dans le top 20 africain, mais tous loin derrière : le MC Alger, mieux loti, plafonne à 9,6 millions d’euros. Et pourtant, on leur demande de faire des miracles, sans moyens, sans vision, et sous la menace d’exclusion disciplinaire.
Dans cette gestion verticale et punitive du football, la FAF n’inspire plus la réforme mais le contrôle. Elle impose, elle menace, elle sanctionne. Mais qui ose encore poser les vraies questions ? Comment rivaliser avec les mastodontes africains en serrant la ceinture ? Quelle politique sportive digne de ce nom peut émerger dans un climat d’austérité autoritaire ? Et surtout, à qui profite vraiment cette « rationalisation » ?
Il ne s’agit plus d’un débat sur les dépenses, mais d’un choix de société. Faut-il tuer l’ambition au nom de l’équilibre budgétaire ? Ou investir intelligemment dans le sport pour en faire un levier national, économique et diplomatique ? Le football algérien mérite mieux qu’un simple exercice de comptabilité.