La décision du procureur de la République du Sénégal d’ouvrir une enquête sur la mort de Mamadou Moustapha Ba, ancien ministre des Finances, a suscité une onde de choc tant au sein de la famille du défunt que dans la sphère politique sénégalaise. Le décès de cet éminent fonctionnaire, survenu le 4 novembre à Paris, avait dans un premier temps été attribué à une cause naturelle, après que l’intéressé ait été dans le coma pendant plusieurs jours. Cependant, l’ouverture d’une enquête, accompagnée de l’ordonnance d’une autopsie, a mis en lumière des zones d’ombre qui justifient un examen approfondi.
Le procureur a justifié cette démarche par des informations qui ont révélé des éléments suggérant que la mort de Mamadou Moustapha Ba pourrait ne pas être naturelle. En vertu de l’article 66 du Code de procédure pénale sénégalais, qui régit les enquêtes sur les décès suspects ou inexpliqués, l’autopsie a été ordonnée pour éclaircir les causes de la mort. Cette initiative survient dans un contexte où plusieurs aspects de la situation sont perçus comme mystérieux, notamment les conditions entourant son coma et la lenteur de son rapatriement. L’enquête vise à déterminer si des facteurs externes, médicaux ou accidentels, ont contribué à son décès.
L’ouverture de l’enquête est loin d’être unanime. La famille de l’ancien ministre a exprimé son mécontentement face à la décision d’obstruer l’inhumation du corps, alors que le certificat de décès délivré en France mentionnait une « mort naturelle ». Pour eux, l’autopsie et le retard dans les formalités de funérailles constituent un traitement injustifié d’un homme de leur famille, respecté et honoré dans ses fonctions publiques. Leur demande de permettre une inhumation rapide se fonde sur un sentiment de suspicion, estimant que le défunt mérite un respect total de ses derniers rites, sans l’ombre d’une enquête qui pourrait, selon eux, semer la confusion autour de sa mémoire.
Cette situation est d’autant plus complexe qu’elle intervient dans un climat politique tendu. Mamadou Moustapha Ba, en sa qualité de ministre des Finances, était une figure centrale dans la gestion économique du Sénégal sous la présidence de Macky Sall. Quelques mois avant son décès, il avait fait l’objet de vives critiques, notamment de la part de l’opposant Ousmane Sonko, qui l’accusait, ainsi que d’autres responsables gouvernementaux, de manipulation des chiffres économiques du pays. Ces accusations de falsification des données budgétaires, qui avaient été formulées dans un contexte de tensions politiques croissantes, ajoutent un degré de complexité à la situation, suggérant que des forces politiques pourraient vouloir exploiter cet événement tragique pour alimenter des débats publics sur la gestion du régime de Macky Sall.
En ordonnant une autopsie, le procureur ne se contente pas de traiter un simple cas médical, mais s’engage dans une démarche de transparence visant à dissiper toute incertitude quant aux causes du décès. Cette procédure pourrait également avoir des implications sur le plan juridique et politique. En effet, toute découverte d’éléments suspects pourrait amener les autorités à enquêter plus en profondeur sur les circonstances qui ont entouré les derniers moments de l’ancien ministre. La mort de Mamadou Moustapha Ba, déjà marquée par de lourdes charges politiques et économiques, pourrait ainsi devenir un point focal de contestation et d’interrogation sur la gestion de l’État.