Le Kenya traverse une période d’intenses tensions politiques et sociales, exacerbées par des accusations d’enlèvements extrajudiciaires, que des groupes de défense des droits de l’homme imputent à la police et aux services de renseignement du pays. La capitale Nairobi a été le théâtre de manifestations en réponse à ces actes, avec des manifestants exigeant des réponses sur les disparitions mystérieuses de plusieurs dizaines de Kenyans ces derniers mois.
les forces de police ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des groupes de jeunes protestataires qui s’étaient rassemblés dans le centre-ville de Nairobi. Ces manifestants s’opposent fermement à ce qu’ils considèrent comme une vague inquiétante d’enlèvements de détracteurs du gouvernement. La police anti-émeute a également tenté de séparer les participants à des sit-in, au moment même où des chaînes épaisses étaient utilisées par les protestataires pour exprimer leur solidarité avec les personnes disparues.
Le député de l’opposition, Okiya Omtatah, a été l’un des leaders visibles de la protestation, mais il a été arrêté avec 10 autres manifestants. Le gouvernement a fermement nié toute implication dans les enlèvements, affirmant que la politique de l’exécutif ne tolère ni les exécutions extrajudiciaires ni les détentions illégales.
Selon la Commission nationale des droits de l’homme, au moins 82 cas d’enlèvements ont été documentés depuis le début des manifestations antigouvernementales en juin. Ce chiffre inquiétant fait écho à une période sombre de l’histoire du Kenya, où sous l’ancien président Daniel Moi, des pratiques similaires d’arrestations arbitraires et de torture étaient monnaie courante.
Les manifestations, qui ont débuté en réponse à une augmentation des taxes, se sont rapidement transformées en un mouvement populaire dépassant les frontières ethniques traditionnelles. Aujourd’hui, ces protestations représentent bien plus qu’une simple opposition fiscale, elles sont devenues un appel à une réforme politique et sociale fondamentale.
Décrites par certains observateurs comme un mouvement « organique » émanant des bases populaires, ces manifestations se caractérisent par leur absence de leader centralisé, ce qui témoigne de l’indépendance de la démarche. Les jeunes Kenyans se sont organisés principalement via des plateformes numériques, reflétant une mobilisation moderne et décentralisée.
Wanjiru Gikonyo, experte en gouvernance et en responsabilité politique, analyse ce soulèvement comme l’expression d’une frustration profonde parmi les jeunes générations, qui se sentent déconnectées des promesses constitutionnelles du pays. Selon elle, ces jeunes ne perçoivent pas la constitution comme un instrument qui se traduit dans leur quotidien. Au contraire, ils vivent un écart croissant entre les principes démocratiques et la réalité de leur expérience de vie, notamment face à des inégalités économiques et politiques persistantes.