Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, l’Algérie a récemment lancé un appel en faveur d’une « réponse africaine concertée » face à l’aggravation de la menace terroriste dans la région sahélienne. Dans une allocution solennelle, Attaf a réaffirmé l’engagement de l’Algérie en faveur de la stabilité régionale, soulignant que la sécurité du Sahel est étroitement liée à celle de son propre territoire.
Mais derrière cette rhétorique empreinte de gravité et de solidarité africaine se dessine une tout autre réalité. Car cette posture, ostensiblement stratégique, semble surtout dictée par l’urgence de redorer l’image d’un régime fragilisé, aux prises avec une perte croissante de légitimité sur la scène intérieure comme extérieure. Ce discours sonne davantage comme une opération de communication que comme l’amorce d’une politique cohérente. Il s’agit, une fois de plus, de détourner l’attention des Algériens d’une crise systémique, économique et institutionnelle qui s’enlise.
Le constat sécuritaire dans la région sahélienne est indéniablement alarmant. Des groupes armés comme AQMI, Boko Haram ou l’État islamique au Grand Sahara exploitent l’effondrement des États, la pauvreté chronique et la désintégration des institutions pour élargir leur emprise. Avec près de 1 400 kilomètres de frontières communes avec le Mali et le Niger, l’Algérie se trouve en première ligne face à ce péril. Les flux d’armes, la circulation de combattants et la porosité des frontières sahariennes constituent des risques majeurs pour la sécurité nationale.
Cependant, au-delà des discours d’intention, le vide est criant : pas de feuille de route stratégique, aucune proposition concrète pour mutualiser les moyens sécuritaires africains, ni mécanisme clair de coordination militaire. Le régime algérien revendique un rôle de rempart régional tout en restant prisonnier d’une diplomatie approximative et d’une absence chronique de vision à long terme.
L’appel d’Ahmed Attaf survient dans un climat diplomatique délétère. Les relations entre Alger et Bamako sont au plus bas. Le Mali accuse l’Algérie d’ingérence, pointant du doigt son rôle dans les négociations avec les groupes rebelles touaregs. Cette rupture diplomatique survenue en 2024, même si elle reste partiellement informelle, témoigne d’un affaiblissement grave de la capacité de l’Algérie à fédérer ses voisins.
Comment construire une coopération régionale crédible quand on est soi-même accusé de partialité, voire de double jeu ? L’Algérie, longtemps perçue comme médiatrice dans les crises africaines, s’est enfermée dans une posture rigide, idéologiquement marquée, souvent en décalage avec les réalités du terrain et les attentes de ses partenaires.
’appel d’Attaf à une « revitalisation du partenariat pour la paix entre l’Afrique et l’Europe » est tout aussi symptomatique des illusions du régime. Si la coopération internationale est cruciale pour lutter contre le terrorisme, l’Algérie n’a ni la crédibilité ni les moyens pour en être le fer de lance. Les partenaires européens, déjà engagés dans des initiatives comme l’opération Barkhane (désormais réduite) ou la Task Force Takuba, regardent avec méfiance un pays qui alterne entre critiques acerbes de l’ingérence étrangère et demandes d’aide. De plus, les relations tendues avec la France, partenaire historique mais souvent vilipendé par Alger, compliquent toute tentative de coordination efficace.
Le régime algérien semble vouloir jouer sur tous les tableaux : se poser en leader africain tout en dénonçant l’impérialisme occidental, solliciter des financements internationaux tout en revendiquant une souveraineté absolue. Cette posture schizophrénique ne fait qu’isoler davantage l’Algérie, la reléguant au rang d’acteur marginalisé, incapable de mobiliser les ressources nécessaires pour une lutte efficace contre le terrorisme.
La seule véritable réponse durable à la crise sahélienne passe d’abord par une refonte du système algérien lui-même : plus de transparence, de démocratie, de gouvernance, et un retour sincère aux aspirations populaires exprimées depuis 2019. À défaut, le pouvoir continuera d’agiter des menaces extérieures pour masquer ses propres échecs, au risque d’en payer un jour le prix, dans une région déjà à feu et à sang.