Le gouvernement panaméen a proclamé, vendredi 21 juin 2025, l’état d’urgence dans la province de Bocas del Toro, à l’ouest du pays, théâtre de violents affrontements entre forces de l’ordre et manifestants. Cette décision intervient après plusieurs semaines de mobilisation contre une loi controversée de réforme des retraites, ayant conduit à des heurts meurtriers et à des destructions massives d’infrastructures.
En effet, cette province, connue pour être un centre névralgique de la production bananière du pays, est en proie à une colère sociale persistante. Depuis deux mois, les syndicats locaux, rejoints par des groupes autochtones et des travailleurs agricoles, ont multiplié les mobilisations. La situation s’est gravement détériorée cette semaine : un mort et une trentaine de blessés, dont plusieurs policiers, ont été enregistrés lors d’affrontements violents à Changuinola, la principale ville de la province.
Par ailleurs, les autorités ont dénoncé une escalade dans les actes de vandalisme. Des manifestants ont incendié partiellement un stade de baseball alors que des policiers s’y trouvaient, pillé des commerces, et même envahi l’aéroport provincial. Selon la police, des véhicules appartenant à des sociétés de location ont été volés, et des entrepôts liés à l’entreprise Chiquita, multinationale américaine de la banane, ont été saccagés.
Face à ces violences, le ministre présidentiel Juan Carlos Orillac a annoncé la suspension temporaire de certains droits constitutionnels et l’interdiction des rassemblements publics pour une durée de cinq jours. L’objectif, selon lui, est de « sauver la province » des « groupes radicaux » responsables, selon le gouvernement, de ces « actes inacceptables » qui ne relèveraient plus d’une « protestation légitime ».
Cependant, ces tensions ne sont pas isolées. Elles s’inscrivent dans un climat national marqué par une défiance croissante envers le président de droite José Raúl Mulino. Outre la réforme des retraites, ce dernier est critiqué pour avoir autorisé en avril le déploiement de troupes américaines sur des bases panaméennes le long du canal, dans le cadre d’un accord de sécurité conclu avec Donald Trump. Cette décision a suscité de vives réactions, notamment de la part de l’opposition qui y voit une atteinte à la souveraineté du pays.
De plus, les écologistes sont vent debout contre le projet présidentiel de rouvrir Cobre Panamá, l’une des plus grandes mines de cuivre de la région, fermée précédemment en raison de son impact environnemental. Ainsi, le président Mulino se retrouve sous pression sur plusieurs fronts, dans un pays secoué par une série de crises sociales, économiques et environnementales.
Enfin, bien que certains travailleurs de Chiquita aient levé leur grève après avoir obtenu partiellement gain de cause, les barrages routiers persistent à Bocas del Toro. Le gouvernement n’a pas précisé s’ils étaient toujours tenus par les anciens grévistes ou par d’autres groupes radicaux.
Cette crise, qui combine revendications sociales, tensions politiques et violences localisées, constitue un défi majeur pour la stabilité du Panama. Si l’état d’urgence vise à rétablir l’ordre, il risque aussi d’alimenter un ressentiment populaire déjà profond dans cette région historiquement marginalisée.