Nairobi, 7 juillet 2025. La Journée Saba Saba, née du courage d’un peuple en quête de liberté, a été souillée par une répression d’une rare brutalité. Là où les Kényans commémoraient le combat contre l’oppression, le régime de William Ruto a répondu par une violence qui rappelle les pires heures des dictatures africaines.
Au moins 10 manifestants ont été tués, 29 grièvement blessés et 567 arrêtés à travers le pays, selon la Commission nationale des droits humains du Kenya (KNCHR). Cette répression féroce trahit la panique d’un pouvoir prêt à écraser dans le sang la colère d’un peuple asphyxié par l’austérité, l’inflation et l’autoritarisme.
Trente-cinq ans après le soulèvement historique du 7 juillet 1990 contre le régime autocratique de Daniel arap Moi, les Kényans sont redescendus dans la rue, non pour célébrer une démocratie acquise, mais pour la défendre d’un nouveau péril. Dans 17 comtés, de Nairobi à Kisumu en passant par Mombasa, des milliers de citoyens, portés par une jeunesse exaspérée, ont scandé “Ruto must go” et “One Term!”, dénonçant un président accusé de mener le pays dans une crise sans précédent.
Explosion des taxes, flambée du coût de la vie, chômage endémique : la politique de Ruto a transformé l’espoir de 2022 en un désespoir national.
Face à cette vague de contestation, le régime a répondu par la force brute. La capitale a été placée sous un quasi-état de siège dès l’aube : barrages, blindés, hélicoptères et cordons policiers ont bloqué les accès. Dans les quartiers populaires de Kibera et Mathare, les affrontements ont viré à l’insurrection : gaz lacrymogènes, tirs à balles réelles, jets de pierres… La jeunesse, fer de lance du soulèvement, a payé un lourd tribut pour avoir osé défier un régime sourd à sa détresse.
Le scandale dépasse la brutalité policière. Selon la KNCHR et plusieurs ONG, des bandes masquées, armées de gourdins, de fouets et de machettes, ont été vues opérant aux côtés des forces de l’ordre. Ces milices, véritables escadrons de la peur, seraient utilisées pour discréditer et écraser la contestation.
« Ce n’est plus de la répression, c’est une campagne de terreur systématique », fustige un défenseur des droits humains.
La veille du 7 juillet, ces mêmes nervis avaient pris pour cible le siège de la Commission kényane des droits humains – un acte d’intimidation d’État, prémédité, destiné à faire taire les voix critiques.
Depuis 2022, William Ruto gouverne dans une logique de confrontation permanente. Le projet “Hustler Nation”, censé porter la voix des oubliés, s’est transformé en mirage. L’inflation galopante, les impôts écrasants, la précarité généralisée et une arrogance politique croissante ont alimenté une colère devenue incontrôlable.
Pour éteindre la contestation, le président choisit l’intimidation. Il qualifie les manifestations de “tentative de coup d’État”, une rhétorique dangereuse qui justifie la répression sanglante. Les 567 arrestations, souvent arbitraires, et les attaques ciblées contre les organisations de la société civile révèlent un objectif clair : museler, censurer, anéantir toute opposition.
Saba Saba 2025 restera comme une cicatrice dans la mémoire collective, non pas comme un symbole d’espoir, mais comme la preuve tragique qu’un régime peut trahir l’héritage même qu’il prétend incarner. En osant crier « assez », le peuple kényan ravive pourtant la flamme de la résistance.