Srebrenica, 11 juillet 2025 – Trente ans après le massacre de plus de 8 000 hommes et adolescents bosniaques par les forces serbes de Bosnie en juillet 1995, la douleur reste vive. Ce vendredi, des milliers de personnes se sont rassemblées au cimetière mémoriel de Potočari, en Bosnie orientale, pour honorer les victimes du pire génocide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais la justice demeure inachevée, et le négationnisme persiste, alimentant une mémoire fracturée.
Lors de la cérémonie, sept nouvelles victimes identifiées ont été inhumées, dont Sejdalija Alic, exécuté avec son fils après la chute de l’enclave de Srebrenica, pourtant déclarée « zone protégée » par l’ONU. Cette enclave, conquise par les troupes de Ratko Mladić dans l’indifférence internationale, reste un symbole d’échec collectif. Les récits des survivants bouleversent. Anela Anic, petite-fille de Sejdalija, confie : « Je n’ai jamais connu mon père, et aujourd’hui, j’enterre mon grand-père… juste quelques os. » Mevlida Omerovic, elle, a attendu trente ans pour inhumer la mâchoire de son mari : « Tout ce que je veux, c’est une pierre tombale pour me recueillir. »
Malgré les condamnations à perpétuité de Radovan Karadžić et Ratko Mladić par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), le révisionnisme prospère. En Republika Srpska et en Serbie, des figures politiques rejettent la qualification de « génocide ». Des portraits de Mladić, érigé en héros, ornent encore certains murs. En 2021, un rapport controversé commandé par les autorités serbes de Bosnie a nié l’existence du génocide, ravivant les tensions. En 2024, l’ONU a proclamé le 11 juillet « Journée internationale de commémoration du génocide de Srebrenica », une décision saluée à Sarajevo mais rejetée par Belgrade, Moscou et Budapest.
Le président serbe, Aleksandar Vučić, ancien ministre sous Slobodan Milošević, a exprimé des « condoléances » sans reconnaître le terme « génocide ». Cette posture, qui privilégie un récit victimaire serbe, continue de nier toute responsabilité étatique dans les crimes de 1995.
Le Centre mémoriel de Potočari, inauguré en 2003, est un sanctuaire pour les familles, mais aussi un lieu de blessures renouvelées. Intimidations, provocations nationalistes et refus de reconnaissance continuent d’alimenter la souffrance. Munira Subasic, présidente des Mères de Srebrenica, résume l’amertume : « L’Europe a regardé, silencieuse, pendant que nos enfants étaient massacrés. »
Les survivantes, souvent marginalisées, affrontent la pauvreté et l’absence de soutien étatique. La loi de 2021 contre la négation du génocide, bien que tardive, n’a produit ses premiers effets qu’en 2025, insuffisant face à l’ampleur du déni.
Srebrenica reste une fracture dans l’histoire de la Bosnie et de l’Europe. « C’est une cicatrice profonde », a déclaré Marta Kos, commissaire européenne à l’Élargissement. Pourtant, la mémoire du génocide peine à s’ancrer dans les récits historiques européens, souvent réduite à des commémorations annuelles. À Belgrade, une veillée silencieuse organisée par des ONG laisse entrevoir un timide sursaut, mais le chemin vers la reconnaissance est semé d’embûches.
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