Faustin-Archange Touadéra n’en finit plus de s’accrocher au pouvoir. À 68 ans, le président centrafricain vient d’officialiser sa candidature pour un troisième mandat, quelques mois après avoir taillé la Constitution à sa mesure. Une décision sans surprise, mais lourde de conséquences pour un pays exsangue, tenu sous perfusion étrangère et enlisée dans une spirale d’instabilité depuis son indépendance.
C’est dans une mise en scène parfaitement orchestrée par son parti, le Mouvement des Cœurs Unis, que Touadéra a annoncé sa volonté de se représenter à la présidentielle de décembre 2025. L’événement n’avait rien de spontané : il s’agit de l’aboutissement d’un processus verrouillé depuis longtemps. Le référendum constitutionnel de 2023, largement critiqué par l’opposition et la communauté internationale, a supprimé la limitation des mandats présidentiels, tout en allongeant la durée de chaque mandat de cinq à sept ans. Une réforme taillée sur mesure, imposée dans un climat d’opacité et de pression.
Derrière les discours lénifiants sur la « reconstruction nationale » et la « stabilité », Touadéra semble surtout œuvrer pour la pérennisation d’un pouvoir personnel sans partage. Il incarne aujourd’hui une présidence de plus en plus autocratique, où les institutions sont vidées de leur substance, l’opposition muselée, et les élections transformées en simples formalités.
Depuis son accession au pouvoir en 2016, le chef de l’État n’a cessé de consolider son emprise, s’appuyant sans complexe sur des acteurs extérieurs, notamment le groupe paramilitaire russe Wagner, pour assurer sa sécurité et réprimer toute dissidence. Ce partenariat trouble, scellé au nom de la « souveraineté retrouvée », s’est traduit par une militarisation croissante de la vie politique et une dépendance inquiétante vis-à-vis d’intérêts étrangers.
La République centrafricaine, vaste comme la France mais peuplée de seulement 5,5 millions d’habitants, demeure l’un des pays les plus pauvres du monde, malgré son immense richesse en ressources naturelles : or, diamants, uranium, bois précieux… Un paradoxe tragique. Sous Touadéra, cette manne est de plus en plus captée par des circuits opaques, échappant à l’État et profitant à une minorité de privilégiés — nationaux comme étrangers.
Pendant ce temps, l’insécurité persiste dans de larges portions du territoire, livrées à des groupes armés incontrôlés. Les institutions sont fragilisées, l’administration délabrée, et les perspectives de développement quasiment nulles. Le troisième mandat du président Touadéra ne s’annonce donc pas comme une promesse d’espoir, mais comme le prolongement d’un système verrouillé, clientéliste et sous tutelle.
L’annonce de cette candidature marque une nouvelle étape dans la dérive autoritaire du régime. Elle rappelle cruellement les pratiques d’une époque que l’on croyait révolue en Afrique centrale : celle des présidences éternelles, des constitutions manipulées, des oppositions harcelées, des peuples condamnés à choisir entre silence et exil.
Face à cette tentative de présidence à vie déguisée, les voix critiques se font rares. L’Union africaine, habituée à l’inaction, regarde ailleurs. Les grandes puissances tergiversent, partagées entre intérêts sécuritaires, ressources minières et indifférence cynique. Et pendant ce temps, le peuple centrafricain, lui, continue de payer le prix d’une démocratie confisquée.