Par-delà les barbelés de Rumichacha, c’est une scène d’un autre siècle qui s’est déroulée : des hommes et des femmes en uniforme orange, encadrés comme du bétail par des militaires, expulsés sans ménagement, sans humanité, et sans même que leur pays d’origine en soit prévenu. Ce 26 juillet 2025, l’Équateur a déversé des centaines de prisonniers colombiens à la frontière, en une opération unilatérale, opaque et brutale. Une « expulsion » qui a tout d’un abandon sauvage.
Derrière l’argument commode de la « désengorgement des prisons », le gouvernement de Daniel Noboa orchestre un coup de force qui piétine le droit international et humilie la Colombie. Aucun dialogue institutionnel sérieux, aucune coordination digne de ce nom, aucun plan d’accueil. Rien, si ce n’est le renvoi précipité de 600 à 870 détenus, jetés sur les routes sans sécurité, sans encadrement, sans suivi. Une violation flagrante des principes de la coopération bilatérale.
cette opération n’est pas qu’une gestion de crise carcérale. C’est un acte politique, un geste calculé, une démonstration de force envers un voisin jugé trop passif dans la lutte contre les réseaux criminels transfrontaliers. Mais cette démonstration vire au cynisme. L’Équateur se débarrasse de ses problèmes humains comme on jette des ordures par-dessus un mur, en espérant qu’ils ne reviennent pas.
À Ipiales, les autorités locales colombiennes sont restées abasourdies. « Aucun plan d’urgence », « improvisation totale », « aide humanitaire à la dernière minute »… La municipalité frontalière n’était pas préparée à recevoir cette masse d’individus, parfois affaiblis, affamés, ou traumatisés. Le témoignage glaçant de Juan Ramirez, détenu pendant quinze mois dans l’enfer de Latacunga, résume la misère : « Plus d’un de mes compagnons est mort de faim. »
Quant au président Noboa, il se félicite d’avoir réduit la population carcérale de 8 000 détenus depuis son arrivée au pouvoir. Mais à quel prix ? Les prisons équatoriennes, gangrenées par la violence et les mafias, ne peuvent être purgées au détriment des relations régionales et des droits fondamentaux. Expulser, ce n’est pas réformer. Et expulser dans la précipitation, c’est fuir ses responsabilités.