La fracture est consommée. Emmanuel Macron a ordonné la suspension de l’accord de 2013 exemptant de visa les détenteurs de passeports diplomatiques et officiels algériens. Une réponse ferme aux récentes provocations diplomatiques, mais aussi aux blocages persistants en matière migratoire.
Dans une lettre rendue publique par Le Figaro, adressée à son Premier ministre François Bayrou, le président français affirme que la France doit agir « avec plus de fermeté et de détermination » face à une Algérie qui, selon lui, « ne respecte ni ses engagements ni ses interlocuteurs ». Il évoque le sort « injustifiable » réservé à deux citoyens français en Algérie – l’écrivain Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison, et le journaliste Christophe Gleizes, condamné à sept – comme des symboles de cette dérive autoritaire.
Plus encore, Macron dénonce la cessation de coopération des 18 consulats algériens en France avec les services de l’État, un acte qu’il qualifie de « rupture grave et unilatérale du dialogue consulaire ». Pour y répondre, il demande non seulement la suspension de l’accord sur les visas diplomatiques, mais aussi l’activation du « levier visa-réadmission », prévu dans la loi immigration de 2024, permettant de conditionner les visas à la réadmission effective des ressortissants algériens en situation irrégulière.
La crispation ne date pas d’hier. Elle s’est exacerbée depuis la reconnaissance par Paris, en juillet 2024, de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental — une ligne rouge pour Alger. Depuis, les incidents s’accumulent : retrait d’ambassadeurs, expulsions croisées de diplomates, suspension de coopérations culturelles, et maintenant, affrontement sur le terrain migratoire.
Le point de rupture a été atteint en février dernier, lorsqu’un ressortissant algérien visé par une procédure d’expulsion a été arrêté à Mulhouse après une attaque au couteau mortelle. Depuis, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, proche de la ligne dure, appelle à une révision en profondeur des accords migratoires avec l’Algérie. Il est désormais chargé, par le président lui-même, de faire appliquer sans relâche les mesures d’éloignement contre les personnes en situation irrégulière.
Dans sa missive, Macron va plus loin : il demande au ministère de l’Intérieur de solliciter les pays membres de l’espace Schengen afin d’instaurer une coordination renforcée sur les visas délivrés aux détenteurs de passeports diplomatiques algériens. Une manière de signaler à Alger que Paris entend internationaliser la pression et faire bloc avec ses partenaires européens.
Du côté algérien, le silence est pesant, mais les représailles ne sauraient tarder. L’Algérie accuse depuis des mois la France d’« ingérence » et de « colonialisme déguisé », notamment à travers ses critiques sur la situation des droits humains dans le pays. La détention de figures comme Boualem Sansal est considérée par Alger comme une affaire strictement nationale.
Pour Emmanuel Macron, la ligne est désormais tracée : « La France ne peut être forte à l’extérieur que si elle inspire le respect », écrit-il. Une posture qui sonne comme un avertissement : les compromis à sens unique sont révolus.