À six mois de l’élection présidentielle d’avril 2026, Patrice Talon a franchi une étape décisive pour consolider son pouvoir. Dans la nuit du 14 au 15 novembre 2025, l’Assemblée nationale, à une large majorité de 90 voix contre 19, a validé une révision constitutionnelle qui transforme en profondeur le paysage politique du pays. Entre prolongation du mandat présidentiel, contrôle renforcé du Parlement et création d’un Sénat taillé sur mesure, cette réforme suscite une vive polémique et de nombreuses critiques.
Le mandat présidentiel passe de cinq à sept ans, renouvelable une fois, tandis que les députés et les élus locaux voient leurs mandats alignés sur cette durée. La limitation à deux mandats présidentiels « au cours de la vie » est officiellement maintenue, mais certains observateurs estiment que cette rallonge constitue un véritable coup de pouce électoral.
« Talon ne change pas la Constitution, il la tord à son avantage pour gouverner plus longtemps avec moins de comptes à rendre », dénonce un cadre des Démocrates. À l’approche de la fin de son second mandat, cette extension du septennat apparaît comme un calcul politique destiné à sécuriser son héritage et affaiblir l’opposition.
La réforme prévoit également que tout député quittant son parti perd automatiquement son siège. Cette mesure, intervenue dans un contexte de crise interne du parti d’opposition Les Démocrates, où six députés ont récemment quitté l’Assemblée, vise à freiner toute dissidence. La candidature de Renaud Agbodjo, figure montante de l’opposition, a été bloquée par la Cour constitutionnelle, accentuant le sentiment d’ostracisme.
« C’est une loi scélérate pour étrangler l’opposition et cimenter la dictature parlementaire », fustige un ex-député évincé. L’effet est immédiat : les voix dissidentes sont neutralisées et la discipline parlementaire renforcée, consolidant ainsi le contrôle du pouvoir sur le législatif.
La réforme crée également un Sénat de 25 à 30 membres, composé de personnalités désignées et d’anciens chefs d’État ou responsables d’institutions. Chargé de « réguler la vie politique », il pourra demander une seconde lecture des lois, à l’exception des textes budgétaires.
Pour ses détracteurs, ce « conseil de sages » ressemble davantage à un club de retraite dorée destiné à recycler les fidèles et à freiner toute réforme hostile au régime. En réalité, le Sénat apparaît comme un verrou anti-opposition déguisé en institution de contrôle et de stabilisation politique.
Dans ce contexte, l’élection présidentielle de 2026 se profile comme un duel inégal : Romuald Wadagni, héritier désigné de Talon, affrontera Paul Hounkpé, représentant des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), seul opposant crédible. La Cour constitutionnelle a déjà validé cette affiche électorale tout en recalant plusieurs candidats gênants, renforçant le sentiment d’une compétition biaisée.
La prochaine étape – l’examen de conformité par la même Cour – pourrait confirmer cette dynamique, laissant planer le doute sur l’équité du scrutin et la transparence des institutions.
Cette réforme, élargie en douce au-delà du seul Sénat, redessine le jeu politique pour les décennies à venir. Elle pose la question : stabilité ou concentration du pouvoir absolu ? Réforme ou coup d’État constitutionnel ?
L’opposition crie à la trahison, la société civile gronde et les réseaux sociaux s’enflamment. Talon joue son va-tout : sept ans de plus, un Sénat à sa botte, une Assemblée muselée.


























