L’histoire s’ouvre sur une vidéo tremblante, captée derrière un hublot embué : une image troublante : une vidéo tremblante, filmée derrière un hublot embué, montre des dizaines de Palestiniens immobilisés dans un avion sans logo sur le tarmac de l’aéroport OR Tambo de Johannesburg. Épuisés, hagards, affamés, ils semblent prisonniers d’une attente oppressante. Autour d’eux, des enfants pleurent, des femmes sanglotent, et un silence glacial accentue l’impression d’être pris au piège. Aucune nourriture, aucune eau, aucune explication, seulement l’angoisse d’un voyage dont personne ne connaît la destination ni le but.
Jeudi, environ 160 Palestiniens de Gaza ont atterri en Afrique du Sud à bord d’un vol qualifié de « non conventionnel » par les autorités sud-africaines. Méfiantes, ces dernières ont d’abord refusé le débarquement : l’avion, affrété par une organisation inconnue, était introuvable et impossible à tracer. L’enquête révèle rapidement l’ampleur du stratagème : ce qui se présentait comme une évacuation humanitaire n’était en réalité qu’un trafic humain soigneusement orchestré.
Les témoignages recueillis dressent un tableau glaçant. Une entité se faisant passer pour une ONG humanitaire exigeait entre 1 500 et 5 000 dollars par personne pour organiser la « sortie de Gaza ». Après avoir encaissé les sommes et réalisé les premiers vols, l’organisation disparaissait, dépouillant ses passagers au passage. Juste avant le départ, les sacs étaient confisqués, les téléphones fouillés ou saisis, les vêtements contrôlés. On ne laissait aux passagers qu’un passeport, un téléphone et 100 dollars.
Escortées par des inconnus, les familles étaient conduites vers un avion sans numéro ni identité. Aucun tampon israélien d’entrée ou de sortie n’était apposé sur les passeports, effaçant toute trace administrative de leur passage.
L’opération se mettait en place dès Kerem Abu Salem. Les familles, averties à la dernière minute et persuadées de se rendre en Égypte, se voyaient retirer leurs maigres affaires avant d’être dirigées vers un appareil effectuant une escale à Nairobi, puis à Johannesburg, sans que la destination finale ne leur soit jamais révélée.
Et ce vol n’était pas un cas isolé. Le 28 octobre, 176 Palestiniens avaient déjà été abandonnés à Johannesburg dans un scénario identique. Leur unique guide : un message WhatsApp laconique – « Prenez un Uber. Allez dans ces hôtels. Vous resterez sept jours. » – avant un silence total de la soi-disant ONG.
Derrière l’opération : Al-Majd Europe, une ONG fantôme.Une fois identifiée, cette entité prétendument humanitaire s’avère être une coquille vide : son site web est truffé d’images générées par IA, aucun enregistrement officiel n’existe, aucune antenne n’est retrouvée à Sheikh Jarrah, et les contacts renvoient directement… aux services de renseignement israéliens. Le modus operandi évoque davantage une opération clandestine qu’une mission humanitaire : ciblage de familles désespérées, fouilles humiliantes à Kerem Shalom, embarquement dans des « vols fantômes » et abandon total à l’arrivée.
« On nous a arraché nos vies une seconde fois », témoigne un passager. « Nous sommes des apatrides maintenant. »
Pour plusieurs ONG sud-africaines, il s’agit d’un « front israélien » visant à vider Gaza de ses habitants, en externalisant le coût humain, politique et logistique. Imtiaz Sooliman, fondateur de Gift of the Givers, parle de « nettoyage ethnique discret », un système qui rend les populations invisibles. L’écrivain Antony Loewenstein évoque même une « déportation low-cost, industrialisée, avec l’aval d’un État ».
L’ambassade palestinienne à Pretoria confirme que les passagers sont arrivés sans coordination officielle, dénonçant l’exploitation frauduleuse de la détresse de Gaza. Elle salue néanmoins la décision de l’Afrique du Sud d’accorder un visa humanitaire de 90 jours aux survivants – une bouffée d’air dans une fuite forcée qui n’aurait jamais dû avoir lieu.

























