Le président syrien par intérim, Ahmed al-Charaa, a lancé un appel poignant à l’unité nationale et à la paix civile, dimanche 9 mars 2025, dans un discours prononcé depuis une mosquée de Damas. Cette déclaration intervient alors que le pays est secoué par les affrontements les plus meurtriers depuis la chute de Bachar al-Assad, le 8 décembre 2024. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), des centaines de civils, principalement issus de la communauté alaouite, ont perdu la vie dans une vague de violences déclenchée jeudi dernier.
Les troubles ont débuté par une attaque sanglante menée par des partisans de l’ancien régime Assad contre les forces de sécurité à Jablé, une ville côtière proche de Lattaquié, dans l’ouest de la Syrie. Cette région, autrefois un bastion du pouvoir Assad et berceau de la communauté alaouite – une branche de l’islam chiite à laquelle appartient le clan de l’ex-président –, est devenue le théâtre d’affrontements d’une rare intensité. D’après l’OSDH, qui s’appuie sur un vaste réseau de sources locales, 745 civils alaouites ont été tués depuis jeudi dans les zones côtières et montagneuses de Lattaquié, victimes des forces de sécurité et de groupes affiliés. Par ailleurs, 273 membres des forces de sécurité et combattants pro-Assad ont également péri dans ces violences.
L’attaque de Jablé a provoqué une réponse musclée des autorités. Des renforts ont été déployés et d’importantes opérations de sécurisation ont été lancées dans la région. Cependant, des témoignages relayés sur les réseaux sociaux font état d’exactions contre les civils alaouites, bien que ces informations n’aient pas pu être vérifiées de manière indépendante par l’AFP. Une source sécuritaire citée par l’agence officielle Sana a reconnu vendredi l’existence d’ »exactions isolées », les attribuant à des « foules » agissant en représailles à l’assassinat de membres des forces de sécurité par des fidèles de l’ancien régime.
Ahmed al-Charaa, qui a pris les rênes du pays après avoir dirigé la coalition islamiste sunnite Hayat Tahrir al-Cham (HTC) ayant renversé Assad, fait face à un défi colossal : rétablir la stabilité après plus de treize ans de guerre civile. Dès vendredi, il avait exhorté les insurgés alaouites à « déposer les armes avant qu’il ne soit trop tard ». Dimanche, dans son discours, il a adopté un ton plus conciliant : « Ces défis étaient prévisibles. Nous devons préserver l’unité nationale, la paix civile autant que possible, et, si Dieu le veut, nous serons capables de vivre ensemble dans ce pays. »
La chute de Bachar al-Assad, qui a fui à Moscou avec sa famille, a marqué la fin d’une ère, mais elle a également ravivé les tensions communautaires. La communauté alaouite, qui avait bénéficié d’une position privilégiée sous le régime Assad, craint désormais des représailles de la part de la majorité sunnite, représentée par des groupes comme HTC.
En parallèle, les États-Unis ont annoncé avoir éliminé un responsable terroriste en Syrie, une opération signalée dans une vidéo diffusée ce week-end, soulignant la persistance des enjeux sécuritaires dans le pays. De leur côté, les églises syriennes ont fermement condamné les « massacres de civils innocents », appelant à une cessation immédiate des violences.
Alors que la Syrie tente de tourner la page d’un conflit qui a fait des centaines de milliers de morts depuis 2011, la flambée de violence à Lattaquié met en lumière la fragilité de la transition politique. Le rétablissement de la sécurité reste la priorité absolue du nouveau pouvoir, mais les divisions confessionnelles et les rancœurs accumulées pourraient compromettre les espoirs de réconciliation nationale prônés par Ahmed al-Charaa.