À la veille du vote décisif à la Chambre des représentants, prévu ce lundi 30 juin, l’Égypte est traversée par une vive polémique autour du projet de loi sur la réforme des anciens loyers. Au cœur du tumulte : l’article 2, qui cristallise toutes les oppositions, entre syndicats de locataires, partis politiques, juristes et société civile.
Le texte, déjà validé en commission parlementaire, prévoit une transition de sept ans pour les baux résidentiels et de cinq ans pour les locaux non résidentiels loués à des particuliers. Passé ce délai, les contrats seront résiliés automatiquement, obligeant les locataires à libérer les lieux. La législation actuelle — jugée obsolète par certains — sera abrogée, et toutes les nouvelles relations locatives relèveront du Code civil, basé sur le libre accord entre les parties.
Depuis plusieurs décennies, les anciens baux égyptiens reposent sur un système protecteur, hérité de lois exceptionnelles instaurées pour faire face aux pénuries de logements. Ces dispositions garantissaient aux locataires une stabilité à long terme, des loyers encadrés et une forte résistance aux expulsions — parfois même transmissible aux héritiers.
Mais l’article 2 marque un tournant. Il propose de rompre avec ce modèle en programmant la fin progressive de ces protections. Pour ses détracteurs, cette mesure pourrait plonger des millions de familles dans l’incertitude, voire provoquer une vague d’expulsions massives à moyen terme.
Parmi les voix les plus critiques, le député et journaliste Mostafa Bakri dénonce un texte « en contradiction totale » avec les assurances récentes du Premier ministre Mostafa Madbouly, selon lesquelles aucune expulsion arbitraire ne serait tolérée, Bakri a appelé à la suppression pure et simple de l’article 2, qu’il qualifie de « détonateur social ».
Le Parti des Égyptiens Libres, de son côté, reconnaît la nécessité d’une réforme mais rejette fermement la méthode. Il plaide pour une approche plus progressive, conforme aux arrêts de la Cour constitutionnelle qui reconnaissaient le droit des héritiers de première génération à la prolongation des baux. Le parti exige aussi l’exclusion des locaux non résidentiels du champ de la loi, ainsi qu’un encadrement plus humain des procédures d’expulsion.
Autre point de discorde : l’article 7, qui prévoit que tout locataire contestant une expulsion devra quitter le logement sans attendre l’issue du recours judiciaire. Une disposition jugée dangereuse dans un contexte de fragilité économique.
Le gouvernement défend de son côté une réforme nécessaire pour libérer le marché immobilier, redonner aux propriétaires leur droit de jouissance sur leurs biens, et encourager l’investissement locatif. Mais entre rationalisation économique et protection sociale, le Parlement se retrouve au centre d’un dilemme explosif.
Avec plus de trois millions de foyers concernés, le débat sur les anciens loyers est bien plus qu’une simple question technique : il touche aux fondements du contrat social égyptien. Le sort de l’article 2, et de la loi dans son ensemble, s’annonce donc comme un test politique majeur pour l’exécutif
L’absence de consensus autour du projet de loi, exacerbée par la diffusion de versions non officielles du texte lors des discussions en comité, a déjà alimenté les tensions. Alors que le délai imposé par la Cour constitutionnelle suprême arrive à échéance, le Parlement risque de se retrouver dans une position délicate : en cas d’échec à adopter une nouvelle législation, un vide juridique pourrait entraîner l’annulation automatique de millions de contrats, ouvrant la voie à une vague de litiges et d’expulsions.