La conférence de presse organisée hier par la Gendarmerie nationale à Alger a livré un constat brutal sur l’état sécuritaire du pays. Si l’objectif était de faire la lumière sur les efforts déployés sur le terrain, c’est surtout un sentiment d’urgence qui ressort d’un bilan annuel aux allures de réquisitoire. La criminalité progresse, les routes continuent de tuer en masse, et les réseaux mafieux prospèrent dans une relative impunité.
En matière de lutte contre le trafic de drogue, les chiffres donnent le vertige. Pas moins de 15 516 affaires ont été recensées en 2024, impliquant 24 296 individus, dont 7 656 ont été placés en détention. Une hausse préoccupante par rapport à 2023, qui démontre la profondeur du phénomène. Les saisies confirment l’ampleur du marché parallèle : 26,6 tonnes de kif traité, 147,8 kg de cocaïne et près de 10 millions de comprimés psychotropes interceptés. Derrière ces chiffres, une réalité dérangeante : malgré les opérations coup de poing, les réseaux s’adaptent, se restructurent, et poursuivent leur expansion.
Le tableau s’assombrit encore avec la recrudescence du vol de véhicules. En un an, les cas sont passés de 1 359 à 2 016, soit une hausse de 48 %. Le nombre de personnes impliquées a explosé, passant de 885 à 1 549. Une flambée qui révèle les limites de la dissuasion pénale et la sophistication croissante des réseaux criminels spécialisés.
Mais c’est sur les routes que l’hécatombe atteint son paroxysme. Avec 7 210 accidents recensés en 2024, le bilan humain est tout simplement insoutenable : 3 002 morts et 12 254 blessés. Dans 92,4 % des cas, le facteur humain est en cause, preuve que les campagnes de sensibilisation ne suffisent plus. À défaut d’une réforme radicale des comportements et des infrastructures, les routes algériennes continueront de semer la mort.
Dans ce contexte anxiogène, la Gendarmerie tente de maintenir une présence de proximité avec 24 445 interventions pour la protection des mineurs, 18 061 pour la défense de l’environnement, et plus d’un million d’appels traités via le numéro vert. Des actions qui témoignent d’une volonté d’être à l’écoute, mais qui peinent à contenir l’ampleur des fléaux sécuritaires. Seule l’accalmie observée sur les feux de forêts, en baisse de 45 % avec 204 cas recensés, constitue une note relativement positive dans un océan de données inquiétantes.
Ce bilan ne doit pas servir de simple outil de communication, mais de déclencheur d’un véritable sursaut. Sans réforme profonde, sans réponse structurelle, et sans une stratégie cohérente mêlant prévention, répression et résilience institutionnelle, l’Algérie risque de sombrer dans une spirale de violence de plus en plus difficile à contenir.
