L’annonce du déploiement de troupes égyptiennes en Somalie dans le cadre d’un partenariat sécuritaire marque une nouvelle étape dans l’implication de l’Égypte dans la lutte contre les Shebabs. Si cette décision s’inscrit dans un contexte de coopération régionale renforcée, elle soulève néanmoins des questions quant à ses motivations réelles et ses implications pour la stabilité de la Corne de l’Afrique.
Depuis 2007, la Somalie bénéficie du soutien d’une mission de maintien de la paix de l’Union africaine pour lutter contre les Shebabs, un groupe islamiste lié à Al-Qaïda, responsable de nombreux attentats meurtriers. Bien que cette mission ait permis de contenir l’influence des Shebabs, elle n’a pas réussi à éradiquer totalement leur menace, et le groupe reste actif, profitant des faiblesses structurelles du gouvernement somalien.
L’arrivée de troupes égyptiennes, dans le cadre de la nouvelle Mission de l’Union africaine pour le soutien à la stabilisation en Somalie (AUSSOM), pourrait renforcer les capacités de lutte contre ce groupe terroriste. Toutefois, la complexité du terrain somalien, où l’instabilité politique et les conflits ethniques sont fréquents, représente un défi de taille pour les troupes égyptiennes.
L’engagement de l’Égypte en Somalie peut être interprété sous plusieurs angles. D’une part, il s’agit d’un effort louable pour stabiliser une région clé de la Corne de l’Afrique, marquée par des décennies de conflits. D’autre part, cette intervention pourrait refléter les ambitions géopolitiques croissantes de l’Égypte, désireuse de renforcer son influence sur la scène régionale.
L’Égypte, qui se positionne comme un acteur majeur de la sécurité africaine, pourrait aussi chercher à contrer l’influence éthiopienne en Somalie. Le différend autour du Grand Barrage de la Renaissance éthiopienne sur le Nil Bleu a exacerbé les tensions entre Le Caire et Addis-Abeba, et l’implication de l’Égypte dans la sécurité somalienne pourrait être perçue comme une tentative de peser sur les équilibres régionaux.
Cependant, l’implication de l’Égypte en Somalie comporte des risques. Le premier est celui d’une escalade des tensions avec l’Éthiopie, déjà en désaccord sur plusieurs dossiers, notamment celui du barrage sur le Nil et de l’accès de l’Éthiopie à la mer Rouge via le Somaliland. Si l’Égypte et la Somalie coopèrent de manière plus étroite, cela pourrait irriter Addis-Abeba, qui voit dans le déploiement égyptien un renforcement de l’axe Le Caire-Mogadiscio.
De plus, l’histoire récente de la Somalie montre que les interventions étrangères peuvent parfois exacerber les tensions internes. Le gouvernement somalien, encore fragile, doit naviguer prudemment pour ne pas donner l’impression de céder trop de souveraineté à des puissances étrangères, ce qui pourrait renforcer le discours des Shebabs ou des factions opposées au pouvoir central.
L’intervention de l’Égypte en Somalie dans le cadre de la lutte contre les Shebabs et de la mission de l’Union africaine peut être perçue comme une opportunité de renforcer la sécurité dans une région clé. Toutefois, elle n’est pas sans risques, tant pour la stabilité interne de la Somalie que pour les relations régionales, notamment avec l’Éthiopie. Le succès de cette initiative dépendra de la capacité de l’Égypte à éviter les pièges géopolitiques et à s’intégrer dans une stratégie plus large de stabilisation durable.