Damas, 2 mars 2025 – Après des décennies de dictature sous le régime des Assad et quatorze années d’une guerre civile dévastatrice, la Syrie entre dans une phase cruciale de son histoire. Un communiqué officiel publié ce dimanche par la présidence syrienne par intérim, dirigée par Ahmad al-Charaa, a annoncé la formation d’un comité d’experts chargé de rédiger un projet de déclaration constitutionnelle. Cette initiative, qui intervient dans le sillage de la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre 2024, vise à encadrer la période de transition que traverse le pays et à jeter les bases d’un nouvel État de droit.
Le comité, composé de sept membres dont une femme, a été investi d’une responsabilité colossale : rédiger une déclaration constitutionnelle qui guidera la Syrie durant cette phase transitoire. Selon le communiqué présidentiel, ce document devra refléter « les aspirations du peuple syrien à construire un État de droit » tout en intégrant les conclusions de la conférence de dialogue national tenue à Damas le 24 février 2025. Une fois élaboré, le projet sera soumis au président Ahmad al-Charaa, également connu sous son nom de guerre, Abou Mohammad al-Joulani, chef du puissant groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS).
Ahmad al-Charaa, figure centrale de cette transition, a multiplié les gestes pour rassurer à la fois la population syrienne et la communauté internationale. Lors de la conférence de dialogue national, il a promis le « monopole » de l’État sur les armes, une mesure visant à désarmer les innombrables factions qui ont proliféré pendant la guerre. Il a également évoqué la nécessité d’une justice transitionnelle pour panser les plaies d’un conflit ayant coûté la vie à plus de 500 000 personnes et déplacé des millions d’autres.
Tenue à l’hôtel Dama Rose à Damas, la conférence du 24 février a réuni des représentants de divers horizons – politiques, sociaux et religieux – pour esquisser l’avenir de la Syrie post-Assad. Parmi les priorités identifiées figurent l’ancrage des « valeurs de justice, de liberté et d’égalité », la dissolution définitive du Parlement hérité de l’ancien régime, et la création d’un comité constitutionnel pour rédiger une nouvelle constitution.
Les participants ont également insisté sur l’urgence de rétablir un État de droit après des décennies de gouvernance arbitraire. « La Syrie a besoin d’un cadre juridique clair pour garantir que les abus du passé ne se répètent pas », a déclaré un délégué anonyme à l’issue de la conférence, cité par l’AFP. Ahmad al-Charaa, dans son discours de clôture, a estimé que le pays nécessiterait « quatre à cinq ans » pour organiser des élections démocratiques, un calendrier ambitieux mais révélateur de l’ampleur des défis à relever.
La tâche du comité d’experts ne sera pas aisée. La Syrie est un pays fracturé, tant sur le plan ethnique que confessionnel, avec des Kurdes, des Druzes, des Alaouites et des Sunnites qui cherchent à faire entendre leur voix dans ce nouveau chapitre. Les rencontres récentes entre Ahmad al-Charaa et des responsables druzes du Parti socialiste progressiste libanais (PSP), le 22 décembre 2024, illustrent les efforts pour inclure les minorités dans le processus de transition. Cependant, le passé jihadiste de HTS continue de susciter des inquiétudes, notamment chez les partenaires internationaux qui pourraient jouer un rôle dans la reconstruction du pays.
Sur le plan interne, la rédaction de la déclaration constitutionnelle devra jongler avec des exigences contradictoires : garantir les libertés fondamentales tout en consolidant l’autorité d’un État naissant, démanteler les structures de l’ancien régime sans provoquer une instabilité supplémentaire, et répondre aux attentes d’une population épuisée par des années de privations.
Alors que la Syrie tente de se relever de ses cendres, cette initiative constitutionnelle pourrait poser les jalons d’une gouvernance plus juste et représentative. « Nous voulons un pays où personne ne soit au-dessus de la loi », a affirmé un habitant de Damas interrogé par France 24. Si Ahmad al-Charaa parvient à tenir ses promesses, la Syrie pourrait amorcer une renaissance après des décennies de ténèbres. Mais le chemin demeure semé d’embûches, et le succès de cette transition dépendra autant de la volonté politique que de la mobilisation collective d’un peuple déterminé à écrire une nouvelle page de son histoire.