À l’approche du référendum constitutionnel prévu pour le 21 septembre 2025, la junte militaire guinéenne, sous la direction du général Mamady Doumbouya, a porté un coup sévère à l’opposition en suspendant pour 90 jours trois des principaux partis politiques du pays. Annoncée le 23 août 2025, cette mesure cible le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) de l’ancien président Alpha Condé, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, et le Parti du renouveau et du progrès (PRP) de Rafiou Sow. Cette décision, perçue comme une tentative de consolidation du pouvoir, accentue les tensions dans un contexte politique déjà marqué par une répression croissante.
Selon un communiqué du ministère de l’Administration du territoire, la suspension repose sur le non-respect d’obligations administratives par les partis concernés. Ces derniers, déjà placés sous une période de réserve de 45 jours, sont désormais interdits de toute activité politique, y compris les manifestations publiques, pendant trois mois. Les autorités leur ont donné ce délai pour « corriger les manquements constatés », sans préciser clairement la nature de ces irrégularités. En cas de non-conformité, des sanctions supplémentaires, potentiellement plus sévères, pourraient être appliquées.
Cette mesure s’inscrit dans une série d’actions répressives visant à contrôler le paysage politique. En janvier 2025, la junte avait déjà suspendu plusieurs partis jugés « non autorisés ». En mars, cette politique s’était intensifiée avec la suspension de 28 formations politiques et la dissolution de 27 autres, réduisant drastiquement l’espace pour une opposition organisée.
Le référendum constitutionnel, censé marquer le retour à un ordre constitutionnel après le coup d’État de septembre 2021 qui a porté Doumbouya au pouvoir, est au cœur des controverses. Présenté fin juin 2025, le projet de nouvelle Constitution reste flou sur des questions cruciales, notamment la possibilité pour le général Doumbouya de briguer un mandat présidentiel. Cette ambiguïté alimente les craintes d’une dérive autoritaire, alors que l’opposition et la société civile accusent la junte de chercher à confisquer le pouvoir.
Face à cette situation, l’opposition a appelé à des manifestations à partir du 5 septembre pour dénoncer ce qu’elle qualifie de « confiscation du pouvoir ». La suspension des trois partis majeurs – RPG, UFDG et PRP – prive ces mouvements de leur capacité à mobiliser leurs bases, limitant leur influence à un moment critique.
Depuis son arrivée au pouvoir, la junte a multiplié les mesures pour neutraliser l’opposition. Les manifestations sont interdites depuis 2022, et de nombreux leaders politiques, dont certains de premier plan, ont été arrêtés, poursuivis ou forcés à l’exil. Alpha Condé, renversé en 2021, et Cellou Dalein Diallo, figure emblématique de l’opposition, ont vu leurs partis systématiquement ciblés. Cette nouvelle vague de suspensions confirme le durcissement du climat politique, où la junte impose un contrôle strict sur la vie partisane, réduisant l’espace pour un débat démocratique pluraliste.
Les organisations de la société civile, bien que sous pression, continuent de dénoncer ces restrictions. Elles craignent que la suspension des partis ne soit qu’une étape vers une consolidation autoritaire du pouvoir, surtout à l’approche d’échéances électorales cruciales.
La suspension des principaux partis d’opposition, à un mois du référendum, soulève de sérieuses questions sur la légitimité du processus constitutionnel. En l’absence de voix pluralistes, le risque d’un scrutin biaisé est élevé, ce qui pourrait approfondir la crise politique. Les accusations de « manquements administratifs » semblent servir de prétexte pour écarter les adversaires politiques, tandis que l’opacité entourant le projet de Constitution renforce les soupçons d’une volonté de prolonger le pouvoir de la junte.