Juba, 11 septembre 2025 – Le premier vice-président du Soudan du Sud, Riek Machar, figure controversée et rival historique du président Salva Kiir, a été inculpé ce jeudi de meurtre, trahison, terrorisme et crimes contre l’humanité, a annoncé le ministre de la Justice, Joseph Geng Akech.
Les accusations découlent de l’attaque du 3 mars dernier contre une base militaire à Nasir, dans l’État du Haut-Nil, attribuée à la milice de l’Armée blanche, composée majoritairement de jeunes issus de l’ethnie Nuer, fidèle à Machar. Cette offensive a fait plus de 250 morts, dont un major général sud-soudanais et un pilote de l’ONU. Elle est considérée comme une violation flagrante des Conventions de Genève et du droit international humanitaire, incluant la profanation de cadavres, la persécution de civils et des attaques contre des humanitaires.
Aux côtés de Machar, sept autres responsables ont été inculpés, parmi lesquels l’ancien ministre du Pétrole Puot Kang Chol et le lieutenant-général Gabriel Duop Lam, chef adjoint de l’armée. Treize suspects supplémentaires sont encore recherchés pour leur rôle présumé dans ce complot de rébellion.
Depuis mars, Machar est assigné à résidence à Juba, placé sous haute surveillance militaire. Cette situation illustre la fracture profonde qui le sépare de Salva Kiir : leur rivalité avait déjà déclenché la guerre civile de 2013 à 2018, un conflit qui a coûté la vie à environ 400 000 personnes et déplacé près de quatre millions d’habitants, soit un tiers de la population.
L’accord de paix de 2018, qui avait instauré un fragile gouvernement d’unité nationale, est désormais fragilisé. Pour certains, ce procès incarne une étape historique contre l’impunité ; pour d’autres, il s’agit d’un règlement de comptes politique visant à éliminer un adversaire gênant.
« Nul n’échappe à la justice, quelle que soit sa position », a insisté Joseph Geng Akech, promettant un procès équitable. Mais déjà, des milices pro-Machar menacent de reprendre les armes si leur leader est condamné. L’ONU, l’Union africaine et l’IGAD exhortent à la transparence afin d’éviter toute instrumentalisation, tandis que Washington et Bruxelles appellent à juger les crimes de masse sans compromettre la stabilité du pays.
Derrière cette confrontation, l’ombre du pétrole, principale ressource économique du Soudan du Sud, alimente les rivalités de pouvoir. Pour une population épuisée par des décennies de guerre et de famine, ce procès représente moins une quête de vérité qu’un nouvel épisode d’un duel politique destructeur.
À l’échelle régionale, le Soudan, l’Ouganda et les pays voisins observent la situation avec inquiétude, redoutant un embrasement susceptible de déstabiliser toute la région. Plus qu’un procès, l’affaire Machar constitue un test décisif : le Soudan du Sud peut-il bâtir une justice indépendante, ou demeurera-t-il prisonnier de ses divisions meurtrières ?