Le président serbe Aleksandar Vucic a annoncé sa disposition à organiser des élections législatives avant l’expiration du mandat actuel de l’Assemblée nationale, en réponse aux revendications des manifestants qui réclament des élections anticipées. « En respectant les revendications des manifestants, qui représentent une minorité significative dans notre pays, nous irons à leur rencontre et les élections seront organisées avant terme », a déclaré Vucic, précisant que la date exacte serait fixée par l’organe compétent et que le peuple aurait l’occasion de montrer son choix politique lors du scrutin.
Depuis novembre 2024, la Serbie est secouée par des manifestations, déclenchées par l’effondrement d’un auvent à la gare de Novi Sad qui a coûté la vie à 16 personnes. Les manifestants imputent la tragédie à la corruption et aux manquements des autorités, et réclament le départ de Vucic ainsi que la tenue d’élections libres. Les protestations ont été marquées par des affrontements réguliers avec la police et des actions de sabotage contre des bureaux du Parti progressiste serbe (SNS), au pouvoir depuis 2012.
Le 5 novembre 2025, plusieurs milliers de partisans du gouvernement et d’opposants anticorruption se sont fait face à Belgrade devant le Parlement. Selon la police, près de 50 000 partisans de Vucic étaient présents, arrivant parfois en cars affrétés par le SNS, tandis que les manifestants antigouvernementaux soutenaient la mère d’une victime de Novi Sad, Dijana Hrka, qui avait entamé une grève de la faim pour demander justice. Les deux camps se sont affrontés symboliquement, la présence des soutiens du président devant la mère endeuillée ayant été perçue comme une provocation. Parmi les figures soutenant le mouvement, le champion de tennis Novak Djokovic a dénoncé publiquement sur les réseaux sociaux toute moquerie à l’égard de cette mère.
Un an après la tragédie, le paysage politique serbe est profondément bouleversé par un mouvement social étudiant d’une ampleur inédite depuis des décennies. Les étudiantEs ont joué un rôle moteur dans la contestation, organisant des assemblées démocratiques et des marches à travers le pays, et recevant un soutien massif de la population. Leur mobilisation a mis en lumière des problèmes structurels tels que la corruption, le népotisme et le nationalisme, et a challengé l’emprise tentaculaire du SNS sur l’emploi et le logement en Serbie.
Cependant, depuis la rentrée, le mouvement étudiant montre des signes d’essoufflement : blocages de facultés arrêtés, difficultés de coordination et absence de convergence claire avec les syndicats et l’opposition politique. Pour contourner cette impasse, les étudiants ont décidé de présenter une liste électorale indépendante, travaillant sur un programme structuré en lien avec la société civile. Certains sondages leur attribuent jusqu’à 45 % des intentions de vote, ce qui inquiète fortement le régime, qui tente de retarder ou de manipuler les élections anticipées tout en intensifiant la répression.
Face à cette situation, le président Vucic joue la carte électorale pour reprendre l’initiative, tout en mobilisant ses partisans et en consolidant son image de défenseur de l’unité nationale. La Serbie, à la croisée des chemins, se retrouve ainsi confrontée à une crise politique et sociale majeure, où aspirations démocratiques et stratégies de pouvoir s’entrechoquent dans un contexte de mémoire douloureuse et de mobilisation citoyenne.


























