Brasília, 11 septembre 2025 – C’est une décision qui fera date dans l’histoire contemporaine du Brésil. L’ancien président Jair Bolsonaro a été condamné ce jeudi à 27 ans et trois mois de prison par la Cour suprême fédérale (STF). Reconnu coupable d’avoir orchestré une conspiration destinée à renverser l’ordre démocratique après sa défaite électorale de 2022, celui que l’on surnomme souvent le « Trump des tropiques » voit son destin scellé par une sentence d’une sévérité inédite.
La décision, rendue à une majorité de 4 juges contre 1, illustre la volonté des institutions brésiliennes de tracer une ligne rouge face aux assauts autoritaires. Elle résonne bien au-delà des frontières, ravivant les tensions diplomatiques avec Washington et cristallisant une fracture politique interne déjà à vif.
Jair Bolsonaro n’a jamais accepté sa défaite face à Luiz Inácio Lula da Silva lors des élections d’octobre 2022. Ses discours incendiaires et ses accusations infondées de fraude électorale ont alimenté un climat de suspicion et de colère. Ce brasier politique a explosé le 8 janvier 2023, lorsque des milliers de ses partisans ont pris d’assaut les institutions fédérales de Brasília, un épisode qui évoque inévitablement l’attaque du Capitole à Washington deux ans plus tôt.
Les procureurs l’ont décrit comme le chef d’une organisation criminelle armée, composée de ministres, de généraux et de proches collaborateurs. Les charges retenues incluaient : tentative de coup d’État, abolition violente de l’État de droit, participation à une organisation criminelle, incitation à l’insurrection et atteinte au patrimoine public. Les juges ont notamment retenu des enregistrements de réunions secrètes où Bolsonaro et ses alliés évoquaient un décret d’état d’urgence destiné à suspendre les élections et à invoquer une intervention militaire.
La séance fut présidée par le juge Alexandre de Moraes, devenu la bête noire des bolsonaristes. Dans son réquisitoire, il a dénoncé une tentative de replonger le pays « dans l’ombre de la dictature militaire » (1964-1985). Trois autres magistrats, dont Cármen Lúcia et Flávio Dino, ont confirmé la culpabilité de l’ex-président. Seul Luiz Fux s’est opposé, estimant que les preuves ne suffisaient pas à démontrer l’usage effectif de la force armée.
Le vote décisif de Cristiano Zanin – ancien avocat de Lula – a scellé le sort de Bolsonaro, confirmant l’existence d’une « organisation criminelle armée » et renforçant la légitimité de ce jugement.
Si Bolsonaro, assigné à résidence pour raisons de santé, a dénoncé une « chasse aux sorcières » via ses réseaux sociaux, ses partisans sont descendus dans les rues de São Paulo et Rio de Janeiro. Drapés de drapeaux américains, certains ont scandé : « Trump, sauve Bolsonaro ! » Ces rassemblements, organisés autour du 7 septembre, jour de l’Indépendance, témoignent d’une ferveur toujours vive malgré les revers judiciaires de leur leader.
À l’opposé, les progressistes ont salué un « triomphe de la démocratie ». Lula, renforcé dans son autorité, a martelé : « La souveraineté brésilienne l’emporte sur les complots et les mensonges. »
Mais au-delà de la politique, les économistes redoutent un climat instable. Avec une croissance fragile et une inflation persistante, le Brésil risque de subir de nouvelles secousses, notamment si les tensions diplomatiques avec Washington – déjà perceptibles après les sanctions américaines visant les juges de la STF – s’aggravent.
À 70 ans, Jair Bolsonaro – qui ne sortirait de prison qu’à 97 ans si la peine était intégralement purgée – restera l’incarnation des fractures d’un Brésil tiraillé entre mémoire de la dictature, aspirations démocratiques et polarisation sociale. Pour Lula, le défi est immense : transformer cette victoire judiciaire en ciment d’unité nationale, tout en évitant que la condamnation n’alimente, paradoxalement, la mythologie politique de son adversaire déchu.