Le lauréat du prix Nobel de la paix Muhammad Yunus a annoncé mercredi, à son départ de Paris, qu’il était prêt à prendre les rênes du gouvernement intérimaire du Bangladesh, après des semaines de tensions politiques et de manifestations étudiantes massives. Cette prise de pouvoir intervient après une période de violences politiques ayant coûté la vie à plus de 400 personnes et provoqué la fuite de l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina.
Le gouvernement intérimaire dirigé par Yunus, 84 ans, prêtera serment ce jeudi à 20h00 (14h00 GMT), lors d’une cérémonie à laquelle assisteront une centaine de personnes, a annoncé le général Waker-Uz-Zaman, chef de l’armée. Dans un discours télévisé, il a exprimé sa confiance en la capacité de Yunus à mener une transition démocratique réussie.
L’économiste, qui avait précédemment eu des conflits avec Sheikh Hasina sur des questions de microcrédit, est récemment rentré de Paris, où il était invité spécial au Comité International Olympique. Son retour a été facilité par son acquittement dans un procès en appel pour infraction au droit du travail, après une condamnation jugée politiquement motivée.
La décision de former un gouvernement intérimaire avec Yunus comme chef a été prise lors d’une réunion entre le président Mohammed Shahabuddin, des hauts responsables militaires, et des leaders du mouvement étudiant à l’origine des manifestations début juillet. Ces manifestations ont donné lieu à des scènes de violence intense à Dacca, avec des attaques contre des institutions gouvernementales, des médias pro-gouvernementaux, et des communautés minoritaires.
En réponse à la crise, le président Shahabuddin a dissous le Parlement et ordonné la libération des détenus politiques. Il a également procédé à un remaniement au sein des forces de l’ordre, remplaçant le chef de la police et rétrogradant des hauts gradés liés à l’administration précédente.
Thomas Kean de l’International Crisis Group considère la formation du gouvernement intérimaire sous Yunus comme un premier pas crucial vers la réconciliation et la stabilisation politique du pays. Ce changement marque un moment décisif pour le Bangladesh, dans un contexte où la société civile et la communauté internationale surveillent de près les évolutions politiques.
Yunus a lancé « un vibrant appel au calme » à ses compatriotes avant son départ pour Dubaï, où il fera escale avant de rentrer au Bangladesh. Dans un communiqué, il a demandé aux Bangladais de « s’abstenir de toute forme de violence » et de « se préparer à construire le pays ». Il a également promis, dans le magazine britannique The Economist, qu’il ferait tout pour organiser des « élections libres et équitables dans les prochains mois », tout en appelant les jeunes à éviter les règlements de comptes des précédents gouvernements.
Muhammad Yunus, lauréat du prix Nobel de la paix en 2006 pour son travail sur le développement économique, est reconnu internationalement pour son initiative de microcrédit à travers la Grameen Bank, fondée en 1983. Malgré ses contributions significatives, il a souvent été en conflit avec Sheikh Hasina, qui l’a accusé de fraude financière. En 2022, une enquête sur les fondations caritatives de Yunus a été lancée, et un tribunal de Dhaka l’a accusé, ainsi que 13 autres employés de Grameen Telecom, de détournement de fonds.
Actuellement à Paris en tant qu’invité spécial du Comité International Olympique, Yunus prévoit de retourner au Bangladesh dès que possible pour répondre aux attentes des manifestants et mettre en place le gouvernement intérimaire.