Lagos, Nigeria (AA) – Une flambée de violence a secoué l’État d’Ondo, dans le sud-ouest du Nigeria, où des centaines de manifestants ont pris d’assaut le bureau du gouverneur, mercredi, pour protester contre l’assassinat brutal de cinq agriculteurs. Ces meurtres, attribués à des éleveurs armés, ont ravivé les tensions dans une région déjà marquée par une insécurité chronique.
L’incident s’est produit à l’aube dans le village d’Aba Oyinbo, situé dans la zone d’Akure North. Selon des témoins, un groupe d’éleveurs a envahi des terres agricoles, ouvrant le feu de manière indiscriminée sur les habitants présents. Cinq agriculteurs ont été tués sur le coup, leurs corps abandonnés sur place dans une scène macabre qui a choqué la communauté locale. Cet acte de violence fait suite à une série d’attaques meurtrières dans la même région : il y a moins de deux semaines, 14 personnes ont perdu la vie dans quatre communautés voisines, également victimes d’hommes armés non identifiés.
En réponse, une foule composée principalement d’agriculteurs, de jeunes et de proches des victimes s’est rassemblée devant le siège du gouvernement à Akure, la capitale de l’État. Les manifestants, déterminés à faire entendre leur colère, ont bloqué les routes avec des barricades improvisées faites de pneus en feu et de branchages. Dans un geste poignant, ils ont déposé les corps des cinq agriculteurs devant le bureau du gouverneur Lucky Aiyedatiwa, exigeant justice et des mesures immédiates pour enrayer cette spirale de violence.
« Nous ne pouvons plus continuer à vivre dans la peur », a déclaré Jonah, un agriculteur parmi les manifestants, dans un entretien avec l’Agence Anadolu. « Nos terres, notre gagne-pain, nos vies sont menacées par ces éleveurs armés qui agissent en toute impunité. Le gouverneur doit agir, sinon nous serons forcés de nous défendre nous-mêmes, et ce sera le chaos total. »
Les protestataires ont scandé des slogans hostiles au gouvernement local, accusé de passivité face à l’escalade des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Certains ont menacé de paralyser complètement l’État d’Ondo si leurs revendications – une meilleure protection des communautés rurales et l’arrestation des responsables – ne sont pas satisfaites dans les plus brefs délais.
Face à cette montée de tension, le vice-gouverneur Olayide Adelami est intervenu pour tenter de désamorcer la situation. S’adressant à la foule depuis les marches du bureau du gouverneur, il a promis une réponse ferme des autorités. « Ces assassinats sont inacceptables et nous les condamnons sans réserve. Le gouvernement travaille activement à renforcer la sécurité dans l’État. Nous ne laisserons pas ces crimes impunis », a-t-il assuré, sans toutefois préciser les mesures concrètes envisagées.
Malgré ces déclarations, la colère reste vive. La manifestation a paralysé la circulation dans plusieurs secteurs d’Akure, laissant automobilistes et habitants bloqués pendant des heures. Les forces de l’ordre, déployées sur place, ont évité l’affrontement direct avec les protestataires, mais la situation demeure tendue.
Ce nouvel épisode s’inscrit dans le cadre d’un conflit de longue date au Nigeria entre agriculteurs et éleveurs nomades, exacerbé par la raréfaction des terres fertiles et des points d’eau, conséquences du changement climatique et de la pression démographique. Dans les États du centre et du sud-ouest, comme Ondo, ces affrontements ont pris une tournure sanglante ces dernières années, alimentés par la prolifération d’armes légères et l’absence d’une réponse efficace des autorités.
Les analystes craignent que cette crise, si elle n’est pas contenue, ne dégénère en un conflit communautaire plus large, menaçant la fragile stabilité sociale du Nigeria, déjà confronté à l’insurrection de Boko Haram dans le nord-est et à une vague de banditisme dans le nord-ouest.
Pour l’heure, les habitants d’Aba Oyinbo pleurent leurs morts, tandis que les regards se tournent vers le gouverneur Aiyedatiwa. La pression est immense : une inaction prolongée pourrait transformer la colère des manifestants en une révolte ouverte, avec des conséquences imprévisibles pour l’État d’Ondo et au-delà.