Les inondations dévastatrices qui ont frappé Kinshasa ce week-end ont plongé des milliers de familles dans le désespoir. Le bilan, tragiquement élevé, fait état de la mort d’au moins 33 personnes, tandis que des milliers d’autres ont vu leurs vies chamboulées par les eaux qui ont englouti leurs maisons et leurs biens. Face à cette situation dramatique, le président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, s’est rendu sur place pour rencontrer les victimes et tenter d’apaiser leur colère. Mais sa visite, loin d’être perçue comme un acte de solidarité, a suscité des réactions violentes de la part des habitants, qui expriment leur frustration face à l’inefficacité du gouvernement à gérer cette crise.
Kinshasa, une ville de 17 millions d’habitants, est régulièrement confrontée à des crues soudaines, en raison de son emplacement géographique sur les rives du fleuve Congo, l’un des plus grands fleuves d’Afrique. Cependant, la fréquence et l’intensité de ces inondations, amplifiées par une urbanisation anarchique et un manque flagrant d’infrastructures adaptées, mettent en lumière les failles profondes dans la gestion de la ville. Les quartiers pauvres, souvent construits dans des zones non sécurisées, sont particulièrement vulnérables, et leurs habitants se retrouvent démunis face à des catastrophes naturelles qu’ils subissent sans soutien adéquat.
Lors de sa visite, Félix Tshisekedi a été accueilli par des accusations cinglantes. « Papa, tu as laissé tes enfants dans la rue », a lancé un habitant, visiblement ému par la perte de tout ce qu’il avait. Un autre a dénoncé l’absence d’aide, appelant le président « l’homme du béton », en référence à son habitude de promouvoir des projets d’infrastructure sans tenir compte des besoins immédiats de la population. La colère des habitants, qui ont perdu non seulement leurs maisons mais aussi leurs moyens de subsistance, est compréhensible. Pour eux, le président semble plus préoccupé par des projets de bétonnage que par la mise en place de mesures concrètes pour protéger les plus vulnérables.
Au cœur de cette crise, la question de l’urbanisation désordonnée de Kinshasa revient avec insistance. Les infrastructures de drainage sont insuffisantes et souvent obstruées par des déchets, ce qui empêche l’évacuation des eaux pluviales. Les systèmes d’égouts sont vétustes et largement inefficaces, tandis que la construction incontrôlée de logements précaires dans des zones à risque empire la situation. Cette combinaison de facteurs, couplée à une pression démographique croissante, rend Kinshasa particulièrement exposée aux catastrophes naturelles.
Les victimes des inondations, dont de nombreuses familles se sont retrouvées sans abri et sans ressources, réclament des actions immédiates. Micheline Ngamundele, une mère de sept enfants, a décrit la souffrance de sa famille : « Nos biens ont été emportés. Depuis vendredi, il n’y a plus rien à manger. Nous demandons à l’État de penser à nous. » Les autorités sont également confrontées à des accusations d’inefficacité dans la gestion de la crise, avec des appels pressants à fournir une aide humanitaire et à mettre en place des mesures de relogement d’urgence.
Les experts soulignent que cette crise n’est pas simplement une conséquence de la météo, mais le résultat d’une gestion publique défaillante à long terme. « Kinshasa fait face à une énorme pression démographique. Nous construisons partout sans prendre en compte les risques d’inondations. Nous ne gérons pas l’élimination des déchets ni le traitement des eaux usées », déclare Gulain Amani, professeur à l’Institut d’architecture et d’urbanisme de Kinshasa. Ce manque de planification urbaine et d’investissements dans les infrastructures essentielles est une cause fondamentale de la vulnérabilité de la ville face aux catastrophes naturelles.
Alors que les eaux se retirent lentement, laissant derrière elles un paysage de ruines, la nécessité d’une réforme profonde du secteur urbain et des infrastructures devient plus évidente que jamais. Les autorités congolaises, et en particulier le président Tshisekedi, doivent impérativement reconnaître l’urgence de la situation et agir pour améliorer les conditions de vie des habitants de Kinshasa. La catastrophe actuelle doit être un catalyseur pour un changement profond dans la gestion de la ville, notamment par la modernisation des infrastructures, la mise en place de systèmes de drainage efficaces et l’adoption de mesures préventives contre les inondations.
Le temps des promesses vides est révolu. Les victimes de Kinshasa attendent des actions concrètes et une prise de responsabilité de la part des dirigeants. Ce n’est qu’en répondant à cette urgence avec une planification efficace et un engagement sincère envers la sécurité et le bien-être de la population que le gouvernement pourra espérer regagner la confiance des Congolais. Il est maintenant impératif de mettre en place une stratégie à long terme pour prévenir de futures catastrophes et protéger les plus vulnérables face à des défis environnementaux de plus en plus graves.