Accusé de trahison, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, l’ancien président congolais Joseph Kabila pourrait désormais être poursuivi par la justice militaire. Le Sénat a voté, ce jeudi 22 mai, la levée de son immunité parlementaire.
Le paysage politique congolais vient de connaître un tournant majeur. Le Sénat de la République démocratique du Congo a voté à une écrasante majorité la levée de l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ancien président de la République (2001–2019) et sénateur à vie depuis son départ du pouvoir. Cette décision ouvre la voie à des poursuites judiciaires pour des faits d’une gravité exceptionnelle : participation à un mouvement insurrectionnel, trahison, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, en lien avec la rébellion du M23.
Réunis en session plénière retransmise en direct à la télévision nationale, les sénateurs ont voté à bulletins secrets : 88 voix pour, 5 contre. Ils ont entériné les conclusions d’une commission spéciale composée de 40 membres, tous favorables à cette levée d’immunité. Le président du Sénat, Jean-Michel Sama Lukonde, a formellement autorisé les poursuites.
Les accusations découlent d’une saisine du ministre de la Justice, Constant Mutamba, déposée en avril auprès de la justice militaire. Le parquet militaire accuse Kabila d’avoir entretenu des liens directs avec les rebelles du M23, qui mènent une insurrection violente dans l’est du pays, notamment dans les provinces stratégiques du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Cette décision, bien que juridiquement encadrée, intervient dans un contexte hautement politisé. Le parti de Kabila, le PPRD, absent du Parlement après avoir boycotté les législatives de fin 2023, dénonce une manœuvre politique orchestrée par le président Félix Tshisekedi. Ce dernier, réélu récemment, fait face à une recrudescence des violences dans l’Est et peine à restaurer l’autorité de l’État.
« C’est une diversion, une mise en scène pour cacher l’impuissance du pouvoir face à la crise sécuritaire », a réagi Ferdinand Kambere, secrétaire général adjoint du PPRD.
Des analystes juridiques s’interrogent également sur la légalité de la procédure. Plusieurs estiment qu’un vote de l’ensemble du Parlement à la majorité des deux tiers aurait été requis pour lever l’immunité d’un ancien chef de l’État. Mais le Sénat a tranché : les faits reprochés à Kabila seraient postérieurs à sa présidence, relevant donc uniquement de son statut de sénateur.
Ce rebondissement survient peu après que Joseph Kabila a annoncé dans les médias son intention de revenir prochainement en RDC, via « sa partie orientale ». Ce détail alimente les spéculations sur de possibles liens persistants avec les zones tenues par le M23.
Absent lors de sa convocation par la commission sénatoriale, Kabila se trouve actuellement à l’étranger, selon ses proches. Toutefois, son réseau d’influence reste actif au sein de certaines élites