Le jeudi 21 novembre 2024, une fusillade a éclaté à Juba, la capitale du Soudan du Sud, à la résidence de l’ex-chef des services de renseignement, Akol Koor, récemment limogé par le président Salva Kiir. Selon des sources militaires, la fusillade, qui a duré environ une heure, aurait été déclenchée par une tentative d’arrestation de Koor, évincé de son poste par le président Kiir.
Les forces de sécurité envoyées sur place pour renforcer la sécurité ont été prises dans un échange de tirs avec des membres présumés des unités de Koor, qui ont opposé une résistance à l’intervention. Deux soldats ont été blessés lors de l’incident, d’après Lul Ruai Kong, porte-parole des Forces de défense du peuple sud-soudanais (PDF). Ce dernier a évoqué un malentendu ayant conduit à l’éclatement des tirs avant que la situation ne soit sous contrôle. Cependant, les autorités militaires n’ont pas pu confirmer si Koor avait effectivement été arrêté.
Cet incident intervient dans un climat politique tendu. Koor, à la tête des services de renseignement depuis l’indépendance du pays en 2011, a été brutalement limogé par le président Kiir en octobre 2024. Bien que les raisons de son éviction ne soient pas officiellement clarifiées, elle semble survenir au cœur d’une période de fragilité politique, marquée par des rumeurs de luttes de pouvoir internes et des tensions au sein de l’élite dirigeante. La destitution de Koor a eu lieu quelques semaines après l’annonce du report de deux ans des premières élections nationales du pays, initialement programmées pour décembre 2024.
Ce nouveau report électoral, après plusieurs précédents, exacerbe l’instabilité politique du Soudan du Sud. Le pays, l’un des plus pauvres du monde, continue de porter les cicatrices d’une guerre civile dévastatrice qui a fait plus de 400 000 morts et des millions de déplacés. La guerre civile, qui a opposé les forces du président Kiir à celles de son rival Riek Machar, a exacerbé les divisions ethniques et une lutte de pouvoir complexe, dont les effets sont encore visibles aujourd’hui.
Parallèlement à ces luttes internes, le pays souffre d’une corruption systémique et d’une gestion politique fragile, entravant sa transition vers une stabilité durable. Classé parmi les nations les plus corrompues au monde, le Soudan du Sud occupe la 177e place sur 180 dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Ces défis politiques et économiques rendent la mise en place d’un gouvernement stable capable de conduire des réformes profondes et un processus électoral transparent et inclusif particulièrement difficile.
La fusillade à la résidence de Koor illustre ainsi un Soudan du Sud plongé dans une crise politique, où la violence, l’instabilité et l’incertitude s’entrelacent. Alors que le gouvernement cherche à maintenir son autorité sur les institutions, la question demeure : le Soudan du Sud pourra-t-il surmonter ses divisions internes pour poser les bases d’une véritable démocratie, ou sombrera-t-il à nouveau dans le chaos de la guerre et de la corruption qui ont marqué son histoire post-indépendance ? Les mois à venir seront décisifs pour savoir si ce pays pourra émerger de son passé tumultueux et entamer un véritable processus de réconciliation et de reconstruction.