Le 31 octobre 2025, un tribunal tunisien a condamné l’avocat et ancien juge administratif Ahmed Souab, figure emblématique de l’opposition au président Kaïs Saïed, à cinq ans de prison. Cette décision judiciaire suscite une vague d’indignation au sein de la société civile et de la communauté internationale, qui dénoncent une instrumentalisation du système judiciaire à des fins politiques.
Ahmed Souab avait été arrêté en avril dernier après avoir publiquement affirmé sur les réseaux sociaux que les juges tunisiens travaillaient « avec des couteaux sous la gorge », en référence aux pressions politiques et institutionnelles auxquelles ils seraient soumis. Les autorités ont interprété ces propos comme une menace à l’encontre du pouvoir judiciaire, déclenchant des poursuites contre l’avocat.
Sami Ben Ghazi, son avocat, a vivement critiqué le verdict : « Cinq ans de prison, pour quoi ? Pour une expression figurative, une remarque spontanée comprise de tous sauf des autorités. Ahmed Souab est emprisonné à notre place. » Les défenseurs soulignent également la brièveté de l’audience, qu’ils qualifient de « sans précédent dans l’histoire judiciaire tunisienne ».
Le chef du barreau, Boubaker Ben Thabet, a dénoncé l’illégalité de la procédure, rappelant que Souab refusait un procès à distance depuis sa cellule et exigeait d’être présent physiquement au tribunal. Face à ce refus, le juge avait ajourné l’audience avant de prononcer le verdict quelques heures plus tard.
Cette condamnation s’inscrit dans un contexte plus large de répression de la société civile en Tunisie. Cette semaine encore, trois ONG majeures ont vu leurs activités suspendues en raison de financements étrangers, et plusieurs associations dénoncent le gel de leurs comptes bancaires. Depuis 2021, Kaïs Saïed a concentré les pouvoirs entre ses mains, dissous le Parlement et commencé à gouverner par décret. Ses opposants estiment que le président a ainsi sapé l’indépendance du pouvoir judiciaire.
En 2022, la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et la destitution de dizaines de juges avaient déjà été perçues comme un véritable coup d’État par l’opposition et les défenseurs des droits humains. Aujourd’hui, la plupart des dirigeants politiques adverses, dont Rached Ghannouchi et Abir Moussi, sont emprisonnés sous diverses accusations.
Les organisations internationales de défense des droits humains dénoncent une dérive autoritaire, affirmant que le régime de Kaïs Saïed transforme la Tunisie en « prison à ciel ouvert » et instrumentalise la justice pour éliminer ses opposants politiques. Le président, de son côté, rejette ces accusations, affirmant que la loi prime sur tout et que le pouvoir judiciaire demeure indépendant, tout en assurant vouloir traquer les « traîtres » et « corrompus » et leurs complices au sein du système judiciaire.
Amnesty International a appelé à la libération immédiate d’Ahmed Souab, dénonçant sa détention arbitraire prolongée depuis le 21 avril 2025 et exigeant la fin de la répression contre les défenseurs des droits humains en Tunisie.

























