Un drame d’une ampleur terrifiante a frappé la Macédoine du Nord dans la nuit du 15 au 16 mars 2025. À Kocani, une petite ville située à une centaine de kilomètres de Skopje, la discothèque « Pulse » a été ravagée par un incendie d’une violence inouïe, tuant près de 60 personnes et blessant plus de 150 autres. Ce qui devait être une nuit de fête, animée par le concert du populaire groupe de hip-hop DNK, s’est transformé en une tragédie nationale, révélant au grand jour des failles systémiques et une corruption rampante. Alors que les cendres refroidissent, les autorités ont émis des mandats d’arrêt contre le gérant de l’établissement et des fonctionnaires accusés d’avoir fermé les yeux sur des irrégularités mortelles.
L’incendie s’est déclaré vers 3 heures du matin dans une salle bondée de près de 1 500 spectateurs, pour la plupart des adolescents et jeunes adultes âgés de 14 à 25 ans. Selon les premiers témoignages et les déclarations du ministre de l’Intérieur Pance Toskovski, des étincelles provenant d’engins pyrotechniques utilisés pendant le concert auraient enflammé un plafond constitué de matériaux hautement inflammables. En quelques minutes, les flammes ont englouti l’espace, tandis qu’une fumée épaisse et toxique transformait la discothèque en un piège mortel.
Les récits des survivants dressent un tableau glaçant : des issues de secours verrouillées ou obstruées, des extincteurs hors service, et aucun système d’alarme pour signaler le danger. « On frappait sur les portes, mais elles ne s’ouvraient pas. Les gens tombaient les uns sur les autres, asphyxiés », confie un rescapé, encore sous le choc. Parmi les victimes identifiées, 31 sont originaires de Kocani et de la ville voisine de Stip, selon les autorités. Le bilan, qui s’élève à 59 morts et 155 blessés hospitalisés à la mi-journée du 16 mars, pourrait encore s’alourdir.
Rapidement, les regards se sont tournés vers les responsabilités derrière ce carnage. Le ministre de l’Intérieur a annoncé l’émission de quatre mandats d’arrêt, visant notamment le gérant du « Pulse » et des fonctionnaires soupçonnés d’avoir toléré l’exploitation illégale de l’établissement en échange de pots-de-vin. « Cette société n’avait pas de licence légale pour fonctionner. Ce permis, comme trop souvent dans notre pays, est lié à la corruption », a asséné Toskovski lors d’un point presse à Kocani, ses mots résonnant comme une accusation cinglante contre un système défaillant.
Les premiers éléments d’enquête confirment que le « Pulse » opérait en violation des normes de sécurité les plus élémentaires. Des inspections auraient été soit inexistantes, soit falsifiées, laissant le champ libre à une tragédie que beaucoup décrivent comme « annoncée ». « Tout le monde ici savait que cet endroit était dangereux, mais l’argent a parlé », lâche un ancien employé sous couvert d’anonymat, reflétant un sentiment partagé par une population désormais en colère.
Face à l’horreur, la réponse des autorités a été immédiate mais sous tension. Le Premier ministre Hristijan Mickoski a qualifié l’événement de « perte irréparable » et promis une enquête approfondie, tandis que des préparatifs sont en cours pour transférer les blessés les plus graves vers des hôpitaux en Bulgarie, Grèce et Albanie, avec l’appui de ces pays voisins. Pourtant, ces mesures ne parviennent pas à éteindre la fureur qui monte dans les rues de Kocani et au-delà. Des manifestations ont éclaté, avec des pancartes dénonçant un « gouvernement complice » et réclamant des têtes.
À l’échelle mondiale, les réactions affluent. La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a exprimé sa « profonde tristesse » et assuré la solidarité de l’UE, tandis que le pape François a envoyé ses condoléances. La Bulgarie et la Grèce ont proposé une aide logistique, renforçant une coopération régionale face à l’urgence. Mais ces gestes, bienvenus, ne répondent pas à la question qui hante la Macédoine du Nord : comment un tel désastre a-t-il pu se produire ?
Alors que les enquêteurs fouillent les décombres noircis du « Pulse », les regards se tournent vers un système où la corruption semble avoir coûté 59 vies. Le gérant et les fonctionnaires visés par les mandats d’arrêt ne sont que la pointe de l’iceberg, selon les observateurs. Ce drame, au-delà de son bilan humain déchirant, pourrait-il enfin pousser le pays à affronter ses démons institutionnels ? Pour l’heure, entre deuil et colère, Kocani pleure ses enfants et attend des réponses – et une justice – qui tardent à venir.