Bangui, 25 juin 2025 – Une journée censée célébrer l’effort et l’ambition de milliers de jeunes Centrafricains s’est muée en un cauchemar indescriptible. Au lycée Barthélemy Boganda, en pleine session du baccalauréat, l’explosion d’un transformateur électrique a semé la terreur parmi plus de 5 300 candidats, déclenchant une bousculade meurtrière. Le bilan est déchirant : 29 lycéens tués, dont 16 jeunes filles, et 260 blessés, selon le ministère de la Santé. Ce drame, survenu en pleine épreuve d’histoire-géographie, expose les failles béantes d’un système éducatif et infrastructurel à bout de souffle.
Vers 13 heures, alors que les élèves planchaient sur leurs épreuves, un transformateur défectueux, situé au rez-de-chaussée du lycée, a explosé lors d’une intervention de la compagnie nationale d’électricité, Enerca. La détonation, accompagnée de fumée et d’étincelles, a été perçue comme une attaque par des candidats et surveillants terrifiés, dans un pays marqué par des années d’instabilité. La panique a transformé les salles d’examen en scènes de chaos : des élèves piétinés dans les escaliers, d’autres sautant par les fenêtres du premier étage, certains perdant la vie sur le coup. « Les surveillants ont fui les premiers, nous laissant livrés à nous-mêmes », témoigne Michael Jordy Yerima, 20 ans, rescapés avec une fracture au pied.
Les secours, débordés, ont transporté les blessés dans des conditions dramatiques : ambulances, motos-taxis, pick-ups, voire à bout de bras. Les hôpitaux de Bangui, submergés, ont peiné à gérer l’afflux, certains soignants étant entravés par une foule en colère et en deuil.
Ce drame n’est pas un simple accident, mais le symptôme d’un système à l’agonie. Les infrastructures scolaires centrafricaines, vétustes et sous-financées, sont une bombe à retardement. Aucune sortie de secours adéquate, aucun plan d’évacuation, et un matériel électrique obsolète : le lycée Barthélemy Boganda, pourtant emblématique, incarne ces défaillances. « Pourquoi réparer un transformateur en pleine épreuve, avec des milliers d’élèves dans le bâtiment ? » s’interroge Enoch, un candidat inconsolable, devant les bougies allumées en hommage à ses camarades.
Le Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC), principale plateforme d’opposition, fustige « l’irresponsabilité criminelle » des autorités, pointant du doigt la négligence d’Enerca et l’absence de protocoles de sécurité. Les enseignants et les familles exigent un audit national urgent des établissements scolaires, ainsi qu’une réforme profonde du système éducatif pour garantir des conditions d’examen sûres.
Depuis Bruxelles, où il participe au sommet de l’Alliance du vaccin (Gavi), le président Faustin-Archange Touadéra a décrété trois jours de deuil national (26-28 juin 2025) et promis une enquête judiciaire pour établir les responsabilités. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, il a exprimé sa « compassion » et appelé à la solidarité nationale. Mais ces mots, bien que nécessaires, sonnent creux pour beaucoup, alors que la colère monte contre l’État et Enerca.
Le ministre de l’Éducation, Aurélien-Simplice Kongbelet-Zingas, a suspendu les épreuves dans les centres d’examen n°1 et n°2 du lycée Boganda, promettant une reprise dans des conditions sécurisées. Mais aucune date précise n’a été communiquée, laissant des milliers de candidats dans l’incertitude. Les familles des victimes, elles, réclament justice, une prise en charge des frais médicaux et funéraires, ainsi qu’un accompagnement psychologique pour les survivants. Une stèle commémorative portant les noms des victimes est également demandée pour honorer leur mémoire.
Ce drame, survenu dans un pays déjà meurtri par des décennies de crises, met à nu l’urgence d’une refonte totale des infrastructures éducatives et énergétiques. La Centrafrique, l’un des pays les plus pauvres du monde, ne peut plus se permettre de sacrifier sa jeunesse sur l’autel de la négligence. Les organisations d’enseignants et la société civile appellent à des sanctions contre les responsables, à commencer par les dirigeants d’Enerca, et à un investissement massif dans la sécurité des écoles.
Alors qu’une marche en mémoire des victimes est prévue ce vendredi 27 juin, partant du monument des martyrs à Bangui, le pays pleure ses enfants. Les cahiers abandonnés, les chaussures éparpillées dans la cour du lycée Boganda racontent une tragédie qui aurait pu être évitée. Ce n’est pas seulement un deuil national, c’est un appel à l’action : la Centrafrique doit protéger ses jeunes, pas les enterrer.