Le 19 octobre 2025, la République turque de Chypre du Nord (RTCN) a connu un séisme politique. Tufan Erhürman, candidat modéré de l’opposition, a écrasé le président sortant Ersin Tatar, soutenu par Ankara, avec 62,76 % des voix contre 35,81 %. Le scrutin, marqué par une participation de 64,87 % sur environ 218 000 électeurs inscrits, pourrait relancer les négociations de paix avec les Chypriotes grecs, au point mort depuis 2017, et offrir un nouvel espoir de réunification de l’île, divisée depuis 1974.
Avocat et politicien de centre-gauche, Erhürman défend une solution fédérale, conforme aux recommandations de l’ONU, en rupture avec la ligne dure de Tatar et de la Turquie, qui prônaient une solution à deux États rejetée par la communauté internationale. Sa victoire est perçue comme un rejet clair de l’intransigeance et un tournant vers une approche plus conciliante. Contrairement à Tatar, en poste depuis 2020, Erhürman souhaite rouvrir le dialogue avec les Chypriotes grecs pour mettre fin à près de cinquante ans de division.
Chypre est divisée depuis l’invasion turque de 1974, déclenchée par un coup d’État soutenu par la Grèce, après des tensions intercommunautaires dans les années 1960. La RTCN, proclamée en 1983, n’est reconnue que par la Turquie, qui maintient une présence militaire et un soutien économique dans la région. Les négociations de paix, menées sous l’égide de l’ONU, ont échoué à plusieurs reprises, la dernière tentative majeure s’étant effondrée en 2017. Le président de la RTCN joue un rôle clé en représentant les Chypriotes turcs dans ces pourparlers, tandis que les Chypriotes grecs, membres de l’Union européenne, influencent les aspirations européennes de la Turquie.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a rapidement félicité Erhürman, saluant la « maturité démocratique » des Chypriotes turcs tout en réaffirmant son engagement à défendre les « droits souverains » de la RTCN. De son côté, Nikos Christodoulides, président de la République de Chypre (contrôlée par les Chypriotes grecs), a exprimé son désir de relancer le dialogue, signalant une volonté partagée de reprendre les pourparlers. Mehmet Ali Talat, ancien dirigeant chypriote turc (2005-2010), a suggéré que la Turquie pourrait revoir sa stratégie et soutenir une solution fédérale si elle y trouve un intérêt, notamment dans le cadre de ses relations avec l’UE.
La victoire d’Erhürman représente une opportunité historique pour Chypre, mais les défis restent nombreux. La Turquie, principal soutien de la RTCN, devra ajuster sa position pour appuyer des négociations fédérales, un changement qui dépendra de ses calculs géopolitiques. Les Chypriotes grecs, en tant que membres de l’UE, joueront également un rôle crucial, notamment dans le contexte des ambitions européennes d’Ankara. La communauté internationale, via l’ONU, pourrait intensifier ses efforts pour faciliter un accord.