Le 1er mars 2025, le Premier ministre algérien, Nadir Larbaoui, a posé la première pierre de la nouvelle raffinerie de pétrole à Haoud El-Hamra, dans la province d’Ouargla, un geste symbolique célébré en marge du 69ᵉ anniversaire de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Avec un investissement colossal de 3,7 milliards d’euros, ce projet se veut une réponse ambitieuse aux défis énergétiques de l’Algérie. Il vise à renforcer la production nationale de carburants et de lubrifiants pour satisfaire une demande intérieure croissante tout en consolidant la position du pays sur la scène énergétique internationale. Mais dans une économie encore massivement dépendante des hydrocarbures, cet engagement financier soulève une question fondamentale : marque-t-il un renouveau économique ou s’agit-il d’un investissement démesuré dans un modèle à bout de souffle ?
L’industrie pétrolière et gazière demeure le pilier incontesté de l’économie algérienne. Selon le budget 2025, elle représente 18,9 % du PIB et 85 % des exportations totales, des chiffres qui traduisent une dépendance structurelle profonde. Dans un contexte marqué par le plus grand déficit budgétaire de l’histoire du pays, la raffinerie de Haoud El-Hamra est présentée comme un élément clé d’une stratégie visant à réduire les importations de produits raffinés et à diversifier les sources de revenus. Avec une capacité annuelle de 5 millions de tonnes, elle est destinée à devenir l’une des trois principales raffineries du pays d’ici son achèvement en 2026, bien que la production de diesel, essentielle pour l’économie, soit repoussée à 2027. Ce report fragilise l’idée d’un impact immédiat, laissant l’Algérie exposée à ses vulnérabilités économiques actuelles.
Le PDG de Sonatrach, Rachid Hachichi, insiste sur l’importance stratégique du projet. Implantée près des champs pétrolifères de Hassi Messaoud, la raffinerie promet d’alléger la pression sur les installations vieillissantes de Skikda et Arzew, tout en optimisant la distribution de carburants dans les régions du sud. Cette localisation, couplée à une logistique améliorée dans un pays aux dimensions continentales, constitue un atout indéniable. Pourtant, cette rationalité opérationnelle ne dissipe pas les doutes sur la pertinence globale d’un tel investissement dans un système économique qui peine à se réinventer.
Sur le plan technologique, Haoud El-Hamra se veut un symbole de modernité. Conçue comme la raffinerie la plus avancée d’Algérie, elle intègre des innovations destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre et les déchets industriels, répondant ainsi aux pressions internationales pour une transition énergétique. Une garantie de deux ans post-construction vient renforcer la confiance dans sa fiabilité. Toutefois, cet engagement environnemental, bien que louable, semble davantage relever d’un affichage stratégique que d’une véritable volonté de rupture avec la dépendance aux hydrocarbures.
L’inauguration intervient dans un contexte géopolitique favorable mais incertain. L’Europe, cherchant à diversifier ses approvisionnements énergétiques face aux tensions avec la Russie, voit en l’Algérie un partenaire stratégique. L’investissement de 731 millions d’euros par Repsol, après la normalisation des relations avec l’Espagne, illustre cet intérêt croissant. Haoud El-Hamra pourrait ainsi amplifier le rôle de l’Algérie comme fournisseur clé de carburants et de gaz naturel. Cependant, cette opportunité repose sur une conjoncture volatile : une chute des prix du pétrole ou un revirement des priorités européennes pourrait réduire à néant les bénéfices escomptés, exposant davantage les failles d’une économie monolithique.
Malgré l’optimisme officiel, le projet ne parvient pas à masquer les défis structurels qui entravent l’Algérie. Le déficit budgétaire record, conjugué à une dépendance persistante aux hydrocarbures, rend le pays vulnérable aux soubresauts des marchés internationaux. La diversification économique, invoquée comme une priorité depuis des décennies, reste un horizon lointain, freinée par des réformes lentes et une inertie institutionnelle. Le report de la production de diesel à 2027 limite les retombées immédiates de la raffinerie, alors que l’économie a un besoin urgent de dynamisation.